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    Eiranos Mnyson
    Eiranos Mnyson
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    Mer 12 Avr - 23:36

    Matin maussadeavec Octans

    Il ne parvenait pas à oublier.

    Il se souvenait de la chaleur des lèvres contre les siennes et du corps enroulé autour du sien. Il se souvenait du bruit des peaux qui se rencontraient, et de la voix qui haletait son nom. Il se souvenait de l’odeur des cheveux huilés et de la sueur libérée par l’acte impie. Il se souvenait de ce regard brun qui cherchait à se raccrocher au sien, comme un naufragé cherche un bout de bois flottant.


    Cette nuit-là, il avait vécu une fois de plus ces sensations dans un rêve d’une précision trompeuse, et au matin, son corps se le rappelait encore. Eiranos l’avait regardé comme un traître, un provocateur. Car on ne peut jouir d’un bonheur révolu.

    Eiranos avait cherché à se distraire. Il avait rangé ses affaires et plié sa couverture avec un soin risible. Pendant quelques minutes, il avait cherché à s’intéresser à la dispute qui semblait avoir éclaté entre le chef de la caravane et un de ses hommes. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait : les marchands avec lesquels il voyageait étaient du genre irascibles. Ils s’étaient déjà pris le bec deux ou trois fois depuis leur départ de Cairne, quatre jours plus tôt ; le moine avait vite appris à laisser couler. Mais ce matin-là, tout évènement aussi minime soit-il, était une occasion de se changer les idées.

    Cette fois, cependant, il ne s’agissait pas simplement de quelques palmes qui avaient sauté dans la mauvaise bourse. Quand le chef avait remarqué qu’Eiranos tendait l’oreille, il avait appelé ses deux contremaîtres et les trois hommes s’étaient retirés derrière un charriot et avaient baissé la voix. Le moine ne saisissait plus que de rares éclats de voix involontaires et indistincts. Dépité, il se décida à célébrer l’office du matin, une version raccourcie et sans sermon comme on la pratiquait sur les routes.

    Quand il eut fini, il remarqua que le conciliabule des trois hommes était terminé. Ils se tenaient à présent devant la charrette derrière laquelle ils s’étaient cachés et semblaient attendre avec impatience que le moine eut fini tout son cérémonial.

    - Allez, on se bouge ! aboya le gros marchand.

    Eiranos se dirigea en claudiquant vers le chariot dans lequel il voyageait depuis qu’il s’était tordu une cheville dans un nid-de-poule, deux jours plus tôt. Un certain Bardan, un garçon originaire d’Irsh’Allai au vu de son accent, s’avança pour l’aider à monter. Eiranos s’appuya sur son épaule, essaya de se soulever mais sa cheville blessée céda sous lui et il tomba contre Bardan. Il put alors sentir, au-delà de l’odeur des bœufs qui imprégnait les vêtements du jeune bouvier, un parfum qu’il connaissait bien.

    Tout le monde, dans les montagnes, utilisait cette huile,
    mais sur personne d’autre elle ne sentait aussi bon.

    Il se redressa immédiatement, comme frappé physiquement par les souvenirs qui lui revenaient. Lançant à Bardan un regard fâché que le garçon ne comprit pas, il se hissa dans le chariot et se laissa tomber entre deux ballots de marchandises. Il voulait justement éviter de penser à ça, à cette époque de sa vie désormais révolue…

    Il était tellement énervé contre lui-même qu’il mit un moment à remarquer que cette fois, il n’était pas seul dans le chariot. En face de lui était assis un jeune homme sans doute un peu plus jeune que lui, plus maigre encore, qu’il n’avait jamais vu dans la caravane. Il lui fallut encore un instant de plus pour réaliser que son compagnon de voyage était ligoté comme un gigot. Mais d’où sortait-il ?!


    Octans E. Haytham
    Octans E. Haytham
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    Jeu 13 Avr - 19:50

    Parfois mes rêves me la montraient. Douce et aimante, avec des doigts frêles comme des rameaux d'oliviers qui passaient sur mes joues pâles et tellement pareilles aux siennes, elle aimait à m'observer de ses prunelles trop bleues dans lesquelles cette étincelle de vie avait disparu depuis trop longtemps. Elle prononçait quelques mots que je ne comprenais pas, m'offrait son sourire. Mais les rayons du soleil avaient coutume de me l'arracher trop rapidement, ne laissant que ce goût fade du manque sur mon palais lorsque mes paupières s'ouvraient. Et elles s'ouvrent sur ce goût ce matin également, alors que le vent fait claquer les tissus dans lesquels sont enroulés mon corps et soulève le sable tout autour de nous. Si je le pouvais je resterais quelques minutes de plus encore à l'écouter gémir, mais je suis déjà resté trop longtemps immobile. Je me redresse et sursaute brutalement lorsque je réalise que non, le vent ne peut soulever le sable puisque cette terre en est dénuée. A la place et sur ce qui était autrefois - paraît-il - des prairies, est cultivé avec acharnement du blé qui ira nourrir les armées Ivriennes. Nous nous sommes installés ici pour la nuit, à l'ombre d'un arbre bordant l'un des champs, là où Orias a pu profiter de quelques brins d'herbes pour se remplir la panse, veillant sur moi et mon sommeil comme le chef de famille, le gardien du troupeau avant de céder lui aussi face au affres de la nuit.

    Alors nous nous remettons en route. Pour aller où ? Là où je peux mettre la main sur des étoffes prisées par certaines personnes sur le marché de Tadala qui m'en offrent généralement un bon prix que je peux ensuite utiliser pour m'acheter d'autres produits à troquer. Je fonctionne ainsi depuis tellement d'années que s'en est devenu habituel. Mais je ne me ferais jamais aux paysages riches en couleur que l'on trouve ici. A cette herbe grasse que l'on peut sentir sous nos pieds autour du lac, et à l'humidité de l'air qui rend les nuits fraîches et désagréables pour moi. Et à cette simple pensée, mes muscles se tendent, mes sourcils se froncent. Nous avançons d'un bon pas, l'étalon suivant le rythme que je lui demande sans broncher, et s'il sent cette nervosité soudaine qui me gagne alors que je suis plongé dans mes souvenirs, il a la gentillesse de ne rien dire. Puis soudain il se stoppe. Les oreilles pointées vers l'avant et les naseaux dilatés, il jette quelques coups d'œil anxieux autour de nous, fébrile et tendu sous mes jambes. Je mets alors pieds à terre, ayant repéré ce qui le stresse ainsi : Un campement un peu plus loin. Et plusieurs chariots de ce que j'en vois en m'approchant, caché derrière des fourrés. Durant une fraction de seconde, l'idée de leur dérober quelques provisions me prend. Seulement, parce que je suis seul, je sais très bien que j'en suis incapable et me retourne pour m'en aller.

    Rien ne se passera comme je l'avais prévu.

    Mon visage s'enfonce contre le torse d'un homme plus grand que moi qui m'attrape par le col et me fout un coup de boule, m'arrachant un geignement tandis que le monde se met à tourner. Un second, et c'est le noir qui s'abat sur mon esprit. Je ne reviens à moi que plusieurs longues minutes après, peut-être même des heures. Comment le dire ? J'ai tellement mal au crâne que je ne pense pas à jeter un coup d'œil vers le ciel pour voir où en est le soleil. En tout cas je suis ligoté et si je me tords dans tous les sens c'est uniquement pour voir si Orias va bien. Il est attaché un peu plus loin, à un autre chariot, tout le corps tendu et les oreilles plaquées sur la tête. Mieux vaut le laisser tranquille où il pourrait bien frapper, mais visiblement les hommes ont d'autres choses à faire que de l'enquiquiner. Ce qui n'est pas forcément mon cas. J'observe d'un mauvais œil l'inconnu qui grimpe dans le chariot, le surveille sans un bruit. Il ne me remarque pas de suite, et lorsqu'enfin c'est le cas, je pince les lèvres et lui envoie un regard noir. Je suis tenté de lui envoyer au visage des insultes et des horreurs, mais en sachant qu'il ne comprendra pas, je m'abstiens et me mure dans le silence. Ce n'est pas pour autant que je reste là sans rien faire. Je me penche un peu vers lui pour l'observer, penche la tête. Oh qu'elle est frustrante la barrière de la langue lorsqu'on ignore comment la franchir ! Et avec mes mains liées, impossible de me faire comprendre de gestes. J'ai soif en plus. Parce que ces rustres m'ont jeté dans leur chariot et m'ont oublié, sans plus de façons.


    Eiranos Mnyson
    Eiranos Mnyson
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    Ven 14 Avr - 23:26

    Quelques inquiétudesavec Octans
    Eiranos hésitait à poser la question qui le tortillait directement à l’intéressé mais le visage du garçon se tordit soudain en une grimace à effrayer les enfants. Quand il se pencha vers lui, le moine eut même un mouvement de recul, comme s’il craignait de se faire mordre.

    - Kurd ! appela Eiranos sans détourner le regard.

    Le chef des marchands s’approcha d’un pas lent, sans dissimuler sa lassitude. Ce n’était pas la première fois que son passager prenait ce ton inquiet et généralement, il ne servait qu’à exprimer une jérémiade sans importance. Mais c’était un moine, il aidait à nourrir la foi de ses hommes et à les garder dans le droit chemin, alors il pouvait bien faire quelques efforts pour lui. Et de toute façon, par principe, on ne néglige pas un religieux.

    - Qu’y a-t-il, moine ? soupira-t-il.

    - Qui est ce… ce garçon ?

    - Un voleur, lança Kurd avec un mépris évident. Un petit sacripant qu’on a pris en train de rôder autour du camp. On va l’emmener au prochain bourg et le refiler aux gardes. Ils nous offriront peut-être même une prime, pour avoir débarrassé le coin d’un foutu nomade.

    Ses yeux brillaient déjà du même éclat que les pièces qu’il espérait.

    - Vous inquiétez pas, ajouta-t-il après quelques secondes de rêveries avides. Je l’ai saucissonné moi-même, il ne se jettera pas sur vous. Vous préférez que je le bâillonne, aussi ?

    Le regard d’Eiranos se posa sur la bouche tordue en une grimace bien peu engageante.

    Ses lèvres étaient un peu gercées,
    asséchées par le froid de la montagne.

    - Ce ne sera pas nécessaire, assura-t-il d’une voix blanche.

    Ses propres mots le surprirent. Bon sang, ce n’était pas les mêmes lèvres ! Pas le même visage qui les entourait, pas le même corps, pas la même personne ! Rien ne lui garantissait que cette bouche-là n’allait pas, dès la seconde suivante, lui lancer un de ces sorts dont les Infidèles sont friands, parait-il. Ou peut-être même allait-il essayer de le mordre comme une bête sauvage ! Mais il était trop tard pour revenir sur sa réponse : Kurd s’était détourné et ordonnait à grands cris qu’on se bouge le train.

    Eiranos se retourna, passa la tête par-dessus le bord de la charrette et suivait d’un regard désespéré le marchand  contourner la voiture en donnant de la voix. Il ressemblant à un enfant timide qui regardait sa mère s’éloigner sans oser lui poser une énième question, de peur qu’elle ne le gronde. Il avait bien vu que ses trop nombreuses doléances commençaient à irriter Kurd et il ne voulait surtout pas prendre le risque d'être abandonné sur le bord de la route. Son statut de moine lui assurait théoriquement une certaine déférence mais quelque mauvais croyant pourrait passer outre.

    Le chariot se mit brusquement en branle, le faisant tomber sur le côté. Amorti dans sa chute par les ballots autour de lui mais blessé dans son amour-propre, il se rassit bien droit et tenta de retrouver sa contenance, ignorant superbement son compagnon de voyage. Les autres moines, à Muvaï, lui assuraient que ces histoires de sorcellerie étaient fausses, que les hommes du désert ne pouvaient rien faire que les vrais croyants ne pouvaient accomplir. Et ce genre de magie n’en faisait pas partie. C’était cependant difficile à croire, quand on regardait la lueur dans les yeux sombres de ce garçon, une lueur acérée et mortelle.

    Mais était-ce vraiment un nomade, comme le prétendait Kurd ? À Muvaï, on lui avait dit que les hommes du désert avaient la peau aussi brune que le plumage de l’aigle des cimes, or la coloration de la sienne n'avait rien d'extraordinaire.

    Sa peau était douce comme de la poudreuse,
    chaude comme la braise.

    Se mordant les lèvres, Eiranos se força à repousser les images qui lui venaient pour se concentrer sur la personne qui était devant lui, physiquement et en cet instant précis. Le jeune homme avait les yeux qu’il ait jamais vu, certes, mais cela ne suffisait pas à faire de lui un mécréant. Et ses vêtements étaient étranges, aussi. Quoique Eiranos savait qu’après des années passées loin du monde, sa connaissance de la mode vestimentaire ivriane ou d’ailleurs était des plus limitées.

    Seulement à moitié rassuré par ces constatations ambivalentes et les affirmations de ses aînés, Eiranos glissa chacune de ses mains dans sa manche opposée. Il prétendait avoir froid mais en réalité, il cherchait surtout à se rassurer : sous sa paume droite, le manche de la dague qu’il portait cachée contre son avant-bras gauche lui redonna un peu de courage. Elle ne lui serait sans doute d’aucune utilité contre une malédiction mais si jamais le sauvage se jetait sur lui, il pourrait se défendre.

    Il ne le quittait toujours pas des yeux, cherchant dans le moindre frémissement de ses membres le signe précurseur d’une attaque. Il ressemblait, en un sens, aux paysans que la caravane avait croisés la veille. Il n’était pas naturellement filiforme, comme Eiranos lui-même : les muscles qui le charpentaient discrètement prouvait que sa maigreur venait du manque et des privations, et que si on donnait à ce corps de quoi se nourrir, il pourrait construire une silhouette autrement plus imposante. Cette pensée ne rassurait pas le moine.

    - Je ne voudrais pas être à ta place, lança-t-il sur un ton qu’il voulait assuré. Les gardes ne te feront pas de cadeau.

    Il ne s’était pas posé la question de savoir s’il serait compris, mais il avait de toute façon souligné sa dernière phrase d’un geste sans ambiguïté : il avait fait glisser son index tendu le long de sa gorge, d’une oreille à l’autre.

    C’était de la pure fanfaronnade, la moquerie de celui qui sent sa victoire fragile et cherche à la consolider comme il peut. Eiranos n’avait pas la moindre idée de ce que lui feraient subir les soldats auxquels on le remettrait et il ne voulait pas le savoir. Une fois que cet étranger serait hors de sa vue (et le plus tôt serait le mieux !), il ne serait plus son problème.

    - Je sens que le voyage va être long, maugréa-t-il en renversant la tête en arrière contre le bord du chariot.


    Octans E. Haytham
    Octans E. Haytham
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    Sam 15 Avr - 14:57

    Les difficultés sont le lot des nomades solitaires. Et cette haine que beaucoup portent aux nôtres nous retombera toujours dessus, parce qu'en tant qu'êtres isolés nous sommes plus faibles. Plus prompt à payer pour des gestes que nous n'avons jamais commis. C'est ainsi que ça fonctionne malheureusement. On se venge sur ceux qui ne peuvent se défendre en espérant que ça sera suffisant pour apaiser la colère qui nous grignote, mais un premier crime mène à un autre et les horreurs s'enchaînent tandis que les rumeurs accentuent encore davantage la crainte des différents peuples. La crainte dont la haine en découle, visible sur les traits de l'homme face à moi qui se recule alors que je n'ai fait que me pencher pour pouvoir l'observer. Quelle menace a t-il vu dans mon geste qui n'était mené que par la curiosité ? Qu'a t-il entendu sur moi pour faire venir ce géant qui m'a assommé ? A sa vue je me crispe et me recroqueville légèrement, écoutant à peine ces mots auxquels je ne comprends rien en tordant légèrement la bouche dans mon coin. Je dois trouver un moyen de me sauver d'ici avant qu'ils ne décident de me vendre ou de m'abandonner, saucissonné à un arbre pour m'y laisser crever, mais il faut que je me détache, que je libère mes mains. Or, vu comment la corde me brûle, il a trop bien fait son travail et je sais parfaitement que je ne pourrais surmonter cette épreuve seul.

    Le convoi se remet en route. Lui bascule, pas moi.

    Puis je relève la tête. Nos yeux se rencontrent à nouveau mais ce coup-ci je ne cherche pas à m'approcher. Mon but n'est certainement pas de l'effrayer, car je ne veux en rien alimenter ce quiproquo qui m'a mené ici. Dire que je voulais juste continuer mon chemin dans la tranquillité, comme eux. Au lieu de ça, me voilà affublé de cordes et emmené par ces hommes dont la langue m'est inconnue et qui, de toute façon, n'ont pas cherché à communiquer. Et si mon compagnon de chariot le fait, ce n'est certainement pas de la façon dont je le souhaitais. Sa menace arrive clairement dans mon esprit et me fait froncer les sourcils, mon dos s'enfonçant dans le bois. Oh oui le message est clairement passé. Et je ne peux lui répondre parce que mes mains à moi sont serrées si fort qu'elles s'engourdissent peu à peu. Je grogne. J'oublie cette volonté de ne pas lui faire peur et m'approche comme je le peux, sans pour autant me montrer menaçant ou violent. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, il m'effraie parce qu'il est l'un de ces Autres, parce que nos langages sont différents et nos coutumes également. Parce que nous ne nous comprenons pas. Pourtant je fais un effort, indiquant d'un signe de menton le cheval qui tire sur la corde à laquelle il est attaché, cherchant à se défaire de l'emprise qu'on lui impose.

    "Orias."

    Ce n'est qu'un murmure douloureux, une voix brisée d'avoir si peu servi ces dernières années. La gorge s'étrangle, se froisse, et la grimace fleurissant sur les traits reflète la souffrance que le son provoque. Un peu d'eau apaiserait sans doute la brûlure, mais je sais que je ne dois rien attendre de ces hommes. Pourtant mes efforts sont visibles. Non sans le quitter des yeux, je hoche doucement la tête, essayant de me désigner autrement qu'avec mes mains qui sont finalement bien plus pratiques qu'on ne peut le penser.

    "Octans."

    S'il pouvait comprendre que je ne veux de mal à personne. Saisir que les rumeurs ne sont que des généralités que l'on applique trop rapidement à ceux qui ne les méritent pas. Que je n'ai rien à voir avec ceux qui pillent les campements de marchands, kidnappent les femmes, tuent les hommes comme c'était le cas de mon ancienne tribu, s'il pouvait voir que je ne suis qu'un solitaire qui vit principalement de troc, peut-être serais-je traité avec plus d'égard ? C'est sûrement pour ça que j'ai fait le premier pas en cherchant à me présenter. Car tout est toujours plus simple quand on connaît le prénom de celui qui se tient en face de nous.


    Eiranos Mnyson
    Eiranos Mnyson
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    Lun 17 Avr - 18:27

    Tentative de communicationavec Octans
    Avant de pouvoir complètement sombrer dans une nouvelle rêverie – qui ne lui aurait sans doute pas plu, vu la direction que tenaient à prendre ses pensées depuis le matin – Eiranos fut ramené à la réalité par des froissements de tissus et le craquement des cordes sèches. L’étranger se tortillait pour s’avancer vers lui, son regard rivé dans le sien. Le moine se tendit, sa main se referma complètement sur la poignée de son arme mais quelque chose l’empêcha de la tirer. Peut-être avait-il remarqué l’absence de menace dans l’expression du jeune homme, ou alors il s’était rendu compte qu’il ne saurait pas quoi faire de sa dague une fois sortie – lui-même ne le saurait jamais, ne voulant pas se poser ce genre de questions.

    Le dos collé contre le parapet du bois du chariot comme espérant le traverser, les poumons gonflés d’air prêts à lâcher un grand cri, il observa avec terreur le jeune homme aux yeux d’orage lutter contre ses liens. Il avait beau être ligoté, il réussit à se traîner sur quelques empans, quelques empans insignifiants la minute auparavant mais dont la disparition représentait soudain une menace terrible.

    À l’instant où Eiranos se sentit sur le point d’hurler, l’étranger tourna la tête pour regarder le cheval gris attaché à l’arrière d’un chariot, une bête que le moine n’avait jamais vue. Il coassa quelque chose, un simple mot que le moine ne comprit pas. La gorge de l’étranger semblait pleine du sable de sa terre natale. Rien à voir avec sa voix…

    Sa voix en cet instant… Il pouvait encore l’entendre,
    chaque fois que le vent s’engouffrait dans ses cheveux
    et lui chatouillait l’oreille.

    La voix terreuse le tira vite de ses pensées. Son interlocuteur essayait de dire autre chose, cette fois en pressant son menton contre sa poitrine.

    - Oui, je me doute que ce cheval est à toi, répondit Eiranos avec hésitation.

    Il n’était pas bien sûr de comprendre, mais qui le serait, entre cette langue étrangère et cette voix râpeuse ? En tout cas, ces mots ne ressemblaient pas à une malédiction, ni même à une quelconque menace. Pour le moine, qui refusait de devoir faire face à la peur et cherchait à se rassurer comme il pouvait, cette douceur sonna comme un aveu de faiblesse. Tout son corps se détendit et son dos se redressa. Après tout, comment en aurait-il pu être autrement ? C’était ce voyou qui avait été ligoté et jeté dans une charrette ; c’était lui qui était entouré d’hommes autrement plus costauds et patibulaires que lui et dénués de toute envie de tolérance avec un petit voleur.

    Comme si entendre les croassements de l’étranger lui avait rappelé la sécheresse de son propre pharynx, Eiranos eut soudain envie de se râcler la gorge et de boire pour l’adoucir. Hésitant à détourner le regard, il tendit la main à l’aveugle vers son baluchon posé près de lui. Il trouva et décrocha à tâtons l’outre qui y était attachée, la leva à ses lèvres et but deux longues gorgées. Il était en train de la refermer quand il se souvint soudain (comment avait-il pu oublier, ne serait-ce qu’une seconde ?) du garçon en face de lui. Il regarda tour à tour sa gourde, l’étranger, de nouveau sa gourde. Il était en position de supériorité flagrante, il était libre de se montrer méprisant, voire cruel : c'était sans doute ce qu'aurait fait ce sauvage, si leurs places avaient été échangées. Pourtant, son éducation de religieux pris le dessus, et il eut un geste humain.

    - De l’eau ? s’entendit-il proposer d’un ton las en tendant l’outre vers le garçon.


    Octans E. Haytham
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    Mar 18 Avr - 20:11

    Orias, au bout de sa corde qui ne rompt pas, cesse finalement de se débattre, baissant la tête en soufflant sa fatigue, les flancs peints par la sueur. Et je souffre à le voir ainsi, mais que puis-je faire pour lui tant que moi-même je ne suis pas débarrassé de mes liens ? Tant que l'homme, juste devant moi, ne comprend pas le moins du monde ce que je lui raconte et qu'en retour je n'y parviens pas non plus ? L'anxiété grimpe d'un cran lorsque sa voix trahit son incompréhension et mes traits s'assouplissent pour laisser place à une inquiétude que je n'avais que rarement connue jusque là. Je me sens démuni, livré à la volonté d'un homme dont je ne sais rien et qui peut faire de moi ce qu'il veut s'il le souhaite. Je continue pourtant de ne montrer aucune animosité, jetant un coup d'œil envieux à la gourde portée à ses lèvres en me souvenant à quel point j'ai soif moi aussi. Et à ma plus grande surprise, il la tend vers moi, non sans laisser échapper de nouvelles paroles qui me laissent un instant perplexes, jusqu'à ce que je parvienne à associer tant bien que mal ce qu'il a dit avec ce qu'il me propose, éclairant mes prunelles d'une lueur de victoire, cette fois-ci pleinement mérité. Hochant la tête, je penche donc le buste vers l'avant en approchant ma bouche du goulot afin d'avaler de longues gorgées salvatrices qui apaisent ma gorge et hydratent mes lèvres.

    "Delo ?" que je répète maladroitement dans sa langue.

    Et ma voix est plus claire, plus jeune, moins rauque. Elle sonne avec tendresse en notes rondes, s'échappe avec plus de facilité que la première fois, douce, agréable et chaude, comme l'est le désert. Nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, nous ceux qui vivons dedans, à son image. Silencieux et discrets, imprévisibles, et pourtant si plein de chaleur une fois qu'on nous connaît mieux. Mon père était ainsi, loin de la froideur de ma mère qui ne savait pas comment les aimer, lui et le sable tout autour d'elle. Mon père et ses sourires. A la voix grave que je n'ai plus entendu que quelques fois après qu'il eût enterré ce corps trop pâle dans un profond trou de terre. Il y ressemblait tellement à ce désert qui l'avait vu naître et grandir, et je l'aimais un peu plus chaque jour rien qu'à poser les yeux sur lui. Mais de tristesse, il a fini par s'assécher, puis par oublier qu'il avait un jour aimé le silence du désert. Mon père a cessé d'être formidable comme le désert et s'est enfermé dans une peine que je ne pouvais pas comprendre et que je ne comprends toujours pas, un peu comme les mots de cet homme juste devant moi, même s'ils sont sûrement plus faciles à saisir avec un peu d'efforts et de temps. Puis, les yeux dans les siens, me voilà qui essaye encore de lui faire comprendre comment je m'appelle.

    "Octans."

    Je donne un coup de menton vers mon torse, avant de l'indiquer à son tour comme pour lui demander de me rendre la pareille, les yeux interrogateurs, et les lèvres arrondies sur une question qui ne les passera pas. À quoi bon se servir de mots quand on ne peut en saisir le sens ? Pourquoi s'épuiser à parler alors que ça ne sert strictement à rien ? Les gestes remplacent si bien la parole que certains n'utilisent que ça. S'il me répond, je n'ai pas le temps de le voir. Le chariot roule sur un nid de poule, et me voilà rejeté vers l'arrière, ma tempe allant un peu brutalement frapper le bois. Je grogne à peine. Les coups, j'y suis habitué, et il m'en faut plus pour m'arracher un son de douleur. Malgré tout, je mets quelques secondes à me redresser, préférant caler mon dos contre le rebord pour éviter que ça ne se reproduise. Manquerait plus que je ne m'assomme et voilà qu'on pourrait faire ce qu'on veut de moi.


    Eiranos Mnyson
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    Mer 19 Avr - 21:42

    Début d’échangeavec Octans
    Eiranos aurait offert au jeune homme toute la richesse de l’Empire qu’il n’aurait pas paru plus heureux. Il but goulûment l’eau que lui offrit le moine, tendant les lèvres comme un agneau cherchant le pis de sa mère. Quand il en eut eu tout son soûl, il se redressa. Son exclamation joyeuse arracha un ricanement amusé à Eiranos.

    Ces quelques gorgées l’avaient métamorphosé, au moins aux yeux de l’Ivrian. Elles l’avaient fait passer du statut de dangereux sorcier en puissance à celui de simple mortel, qui peut souffrir de la soif. Sa voix était redevenue humaine. Même ses yeux semblaient avoir changé de couleur : leur teinte noire n’était plus celle des nuits d’orage mais celles des pointes de charbon, ces fleurs duveteuses qui constellent la montagne quand vient l’été.

    Ses yeux… Un regard qui rêve d’amour sans oser le réclamer, puis s’y jette à corps perdu jusqu’à s’y noyer.

    Ces yeux-là ne quittèrent pas ceux d’Eiranos tandis que le jeune nomade répétait « Octans », inclinant de nouveau son menton contre sa poitrine, puis s’écarquillèrent en un air interrogateur. Cette fois, le moine obtus compris. Posant la main sur son torse, il entreprit de se présenter à son tour, détachant les syllabes avec un soin exagéré. On aurait dit qu’il parlait à un bébé.

    Malheureusement, cette attitude professorale et la prestance dont il essayait de faire preuve furent soudainement gâchée par un nid de poule. Non seulement la dernière syllabe de son nom se perdit dans une bien peu élégante exclamation de surprise, mais de plus une partie du contenu de sa gourde, qu’il n’avait pas pris le temps de refermer, se répandit sur ses genoux. Le tout au cours d’une culbute où la grâce la disputait à la maîtrise – autant dire une chute en arrière lamentable.

    Se débattant avec les larges plis de bure, Eiranos finit par réussir à se redresser, non sans avoir continué de vider son outre tout autour de lui. La refermer fut la première qu’il fit une fois rassis, avant même de remettre de l’ordre dans ses robes. Une fois son apparence à peu près corrigée, il tira vers lui deux petites balles de laine pour mieux se caler. Alors seulement il osa relever les yeux vers le jeune homme, avec la main sur la poitrine et sur le visage un sourire tranquille. Ce qui venait de se passer ne provoquait en lui ni honte ni amusement, ce n’était rien qui vaille la peine d’être mentionné, alors oublions tout ça vite, qu’en dis-tu ?

    - Eiranos, se présenta-t-il de nouveau, lentement.

    Face à n’importe qui d’autre, il aurait enchaîné sur son statut (un peu usurpé) de moine, parlé de sa volonté de répandre une vision libérée de la foi : le discours qu’il avait petit à petit rodé dans les rues de Cairne. Avec assez peu de succès, il devait le reconnaître, mais c’était justement pour cela qu’il changeait de région. En dehors de ça, il n’avait pas beaucoup de conversation. De toute façon, on parle de quoi, avec un gars qui ne parle pas notre langue et qui ne peut pas s’aider de ses mains ?

    À défaut de mieux, il tendit le doigt vers le cheval puis le fit glisser jusqu’à Octans.

    - À toi ?

    Il le savait déjà, que ce cheval était à lui. Mais le bruit ambiant, fait de grincements de bois et de brouhaha de conversations aux accents virils – pour ne pas dire grossiers –, lui retournait l’estomac. Il était habitué à l’ambiance feutrée du monastère, et il n’avait supporté l’atmosphère putride de Cairne qu’en la considérant comme une épreuve. Là, c’était différent, ce n’était pas un passage obligé. Alors s’il pouvait y échapper un moment, même au bénéfice d’une discussion sans intérêt, autant en profiter.


    Octans E. Haytham
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    Ayant enfin saisi ce que je lui dis et lui demande, l'homme tente de me donner à son tour son prénom, ou quelque chose qui pourrait l'être du moins. Mes sourcils se froncent et je penche la tête en avant, les lèvres entrouvertes sur un sourire qui peine à fleurir. L'échange se fait lentement, presque timidement. A pas de fourmi qui ont pourtant l'apparence de ceux de géants tandis que le contact se met doucement en place. Mais le nid de poule me renvoie contre le rebord du chariot et coupe court à ce début de communication. Mais contrairement à ce que je pensais, l'homme dans son épaisse robe revient à la charge, me dictant des syllabes que j'assimile doucement, avec le studieux d'un enfant qui apprend quelque chose. Mais pas le temps de répéter qu'il embraye sur autre chose, faisant s'ouvrir tout rond mes lèvres et cligner plus rapidement mes paupières. Atoua que je répète une fois, deux, hésitant un peu sur la signification de ce mot. Est-ce le nom que l'on donne aux chevaux dans leur langue ? Ou tente t-il de me dire autre chose ? J'envoie une œillade à Orias qui, de là où il est, ne me voit pas mais peut m'entendre, laisse ma bouche s'étirer en un sourire fin, tout aussi léger que le tissu enroulé autour de mon visage lorsque nous parcourons le désert. J'observe son poil doré et ses crins blancs qui retombent en cascade sur son encolure, son regard de velours brun. Puis me concentre à nouveau sur l'homme devant moi.

    "Octans." Je m'indique une nouvelle fois. "Eiranos." Coup de menton vers lui ce coup-ci. "Orias."

    Je lui montre le "Atoua" comme il dit, sans me départir du sourire qui orne ma bouche. Notre conversation, si on peu l'appeler ainsi, n'a rien d'intéressante, mais elle a au moins le mérite de faire s'échapper le temps plus rapidement et de nous distraire de tous ces bruits autour de nous. Les discussions des hommes, les rires gras, presque désagréables, les roues écrasant la poussière et les cailloux. Tant de sons qui atteignent douloureusement mes oreilles et que j'aurais voulu ne pas avoir à côtoyer. Je tente de ne pas les écouter en focalisant mon attention sur l'étranger en face de moi - mais qui de nous deux est l'étranger ? Moi qui n'ai rien à faire sur ces terres ou cet homme à la langue qui n'est pas la mienne ? Je tords un peu la bouche et dérive à nouveau vers Orias, s'agitant à nouveau. Je l'entends renâcler, et son sabot aux reflets d'argent frappe le bois de la charrette à laquelle on l'a attaché lorsqu'il se cabre. Refusant qu'il se blesse ou qu'on le blesse - on ne sait jamais trop ce qui passe par la tête des hommes -, je pince les lèvre et laisse s'échapper un sifflement qui vibre sur deux notes. Les naseaux dilatés et les yeux fous, l'étalon lève brusquement la tête. Sa démarche est nerveuse, à un tel point qu'il m'en fait peur. Aussi préféré-je réitérer le son pour lui faire comprendre que non je ne l'abandonne pas, qu'il doit me faire confiance. Je l'ai toujours rassuré ainsi, que ce soit pendant les tempêtes de sable ou lors de nos visites à mon père.

    "Atoua. Ihashan." (Cheval).

    Et le sourire ne fane pas une seule seconde malgré la situation dans laquelle je suis. Quoique j'ignore toujours ce qu'on veut me faire, je sais que tenter de m'apitoyer sur mon sort n'y changera rien. Si je veux m'en sortir, je dois attendre le moment propice. Alors pourquoi ne pas m'enrichir de cette rencontre au lieu de me terrer dans un coin de notre véhicule en attendant que l'on m'en éjecte ? Il n'y a rien de glorieux à cela. Et si je dois mourir, je le ferais un peu moins ignorant.


    Eiranos Mnyson
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    Mer 26 Avr - 17:19

    Méprises et incompréhensionavec Octans
    Comme un peu plus tôt, le jeune homme répèta ses mots comme s’il en savourait et jugeait les sonorités. Il était hésitant, tel un enfant ne sachant trop s’il doit vraiment aimer ce qu’on lui propose ou si cela cache un quelconque piège. Il se tourna vers son cheval, semblant lui demander son avis du regard. La réponse de l’animal dut être favorable, puisqu’Octans se mit à sourire, toujours aussi discrètement. Il répéta son nom, celui du moine, puis ce qui devait être celui du cheval. Drôle de chose, que de présenter sa monture comme s’il s’agissait d’un compagnon de voyage, mais que des infidèles ne sachent faire la différence entre des êtres humains et des bêtes, ce n’était pas étonnant. Eiranos réussit à répondre d’un sourire poli – du moins, qu’il voulait simplement poli mais qui ne pouvait être dénué d’une certaine condescendance.

    Octans était toujours tourné vers le cheval, cet « Orias ». Eiranos, lui, n’osait lui jeter que des regards en coin. L’animal se souleva soudain et tapa dans la charrette, secouant ses passagers. De surprise, le moine se tourna franchement vers l’animal. Il essayait de ne pas paraître trop effrayé, sans succès. Ces bêtes étaient tellement stupides qu’elles en devenaient dangereuses, il fallait un certain entraînement pour les mater et Eiranos ne l’avait pas – et ne souhaitait pas l’acquérir. Il dut cependant reconnaître la maîtrise d’Octans, qui réussit à calmer sa monture d’un simple sifflement. Enfin, elle n’était pas encore parfaitement tranquille, mais au moment, elle gardait ses quatre pattes au sol.

    De nouveau, il répéta les mots d’Eiranos, visiblement sans les comprendre, et y ajouta d’autres. L’Ivrian ne saisit pas grand-chose non plus.

    - Il a quoi ? demanda-t-il lentement par réflexe.

    Après une courte minute, il se rendit compte de la bêtise de sa question. Il ne fallait pas réfléchir dans sa propre langue, bien sûr que non, c’était bien toute la difficulté de ce semblant de discussion depuis le début. Un peu honteux de son erreur, il effaça toute émotion superflue de son visage et reprit la contenance qui seyait à un homme de son rang, cultivé, faisant face à un sauvage.  Il tendit un doigt ferme et docte vers la monture.

    - Ça, c’est un cheval. Tu répètes, de nouveau ? Che-val.

    Ç’aurait été bête qu’il ne répète pas, cette fois, alors qu’il avait maladroitement bafouillé chaque mot qu’il avait prononcé.

    D’un autre côté, qu’est-ce que ça changeait, qu’il répète ou non ? Ce n’est pas comme s’il pouvait lui apprendre l’ivrian en quelques minutes dans l’espoir d’avoir ensuite avec lui une conversation intelligible. Et de toute façon, ils discuteraient de quoi ?

    - Et puis mince, soupira-t-il en se laissant retomber en arrière contre le bord de la charrette.

    Les conversations avaient cessé, sans raison évidente, et le relatif silence était donc supportable aux oreilles du moine. L’essieu arrière du chariot devait être légèrement déformé, ou une roue avait un défaut, parce qu’un claquement résonnait à chaque tour, égrenant le temps comme les gouttes tombant du toit du monastère après un orage.

    Comme les bruits réguliers de leurs corps se heurtant…
    Ce son terrestre et mou qui naissait pourtant de leur étreinte céleste,
    quasi mystique…

    Cette fois, les larmes lui montèrent dangereusement aux yeux. Il pensait préférer le silence à une discussion avec l’équivalent, linguistiquement parlant, d’un enfant de trois ans, ce n’était finalement pas si évident que cela, si ses souvenirs continuaient à lui jouer des tours.

    - Alors, dis-moi, tu viens d’où ? demanda-t-il d’un ton las. Toi…

    Il montra le jeune homme du doigt.

    - D’où ?

    D’un geste large, il désigna la région autour d’eux.


    Octans E. Haytham
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    Jeu 27 Avr - 21:18

    Les paupières battent leur incompréhension et la joie sur mon visage disparaît au profit de la surprise qu'apportent ces nouveaux mots qui passent ses lèvres. Je le fixe longuement et fronce les sourcils sans parvenir à déterminer ce qu'il tente de me dire, ni ce que signifie la façon dont son visage se ferme. Ai-je fais quelque chose de mal ? Ou est-il ainsi avec tous ceux qu'il rencontre ? Avec qui il parle ? Je plisse le nez, tords la bouche. Les questions s'amoncellent contre mes lèvres mais cette barrière, frustrante et déroutante, m'empêche à nouveau de dire ce que j'ai sur le cœur. Alors je reste là. Gardant les yeux posés sur lui sans que rien n'ose franchir ma gorge, tout en sachant qu'au fond de son esprit je ne suis certainement qu'une brute sanguinaire, un sauvage de par ma culture complètement différente, et que mes efforts pour communiquer ne servent absolument à rien. Parce que les hommes, lorsqu'ils ont une certaine vision du monde, ont bien du mal à la changer. Ce n'est pas quelques minutes sur la globalité de sa vie passées à mes côtés qui lui feront prendre conscience que non, je ne vais pas me jeter dessus pour l'égorger. Que de ma bouche ne s'échappera aucune formule magique, aucune malédiction. Que, comme les autres, je suis capable de douceur et de tendresse. Oh non, il ne saura pas tout ça. Parce qu'il nous faudrait du temps et que le temps, nous ne l'avons pas.

    Alors je répète. Je répète ces deux syllabes qu'il prononce en me nourrissant de ces sons différents de ceux qui composent ma propre langue, les yeux fermés pour un peu moins d'une seconde comme pour savourer pleinement ce que j'apprends, ces nouvelles informations qui entrent en moi. Ce n'est pas du temps gâché au moins. Au lieu de me débattre inutilement contre ces cordes qui retiennent avec douleur mes poignets, j'ai trouvé une activité intéressante qui a le mérite en plus de m'enrichir. C'est bien pour ça que nous voyageons, non ? Pour en apprendre toujours davantage, remplir un esprit jamais trop plein de connaissances et de savoirs pour espérer accéder un jour au repos éternel. Pour lui, cet homme qui me fait face, tout est différent. Sa culture et ses croyances, sa façon de vivre. Il ne me comprend pas et je ne lui en veux pas car je n'ai pas besoin d'être compris par tous ceux que je rencontre pour continuer mon chemin. Pourtant, alors que je pensais qu'il allait se désintéresser complètement de moi, le voilà qui me pose de nouvelles questions grâce à quelques gestes dont je saisi plus ou moins bien le sens. Aussi je ne me fais pas prier pour répondre quasiment immédiatement, et j'aurais posé ma paume contre mon cœur si j'avais pu, la mine peut-être un peu triste. Parce que j'ai l'impression d'avoir quitté ma terre il y a trop longtemps.

    "Ehlssahran' Nakhti" (Le désert Nakhti)

    Le sable chaud, insupportable pour des pieds délicats mais auquel je suis habitué depuis mon plus jeune âge. Les vents violents lors des tempêtes. Les animaux que l'on devine à peine, parfaitement camouflés. La chaleur. Les difficultés pour avancer dans ce sol auquel les pieds n'adhèrent pas. Et toutes ces choses que les gens décrivent comme hostiles lorsqu'ils connaissent mais ne maîtrisent pas. Une larme vient briller dans mon regard comme une étoile dans les nuits trop noires et je déglutis pour dénouer ma gorge. C'est toujours comme ça les premiers jours. Un vent de tristesse qui s'abat sur moi, alors que je regrette amèrement d'avoir quitté le désert et la chaleur, ce territoire dans lequel j'ai toujours vécu. Désireux de chasser la nostalgie ou tout autre trace de tristesse, je me redresse et m'indique à nouveau du menton.

    "Nakhti, nei.. Naidien."

    Argument que je n'emploie jamais puisque mon cœur est entièrement Nakhti. Mais non négligeable dans ma situation. Tout ce qui peut m'aider à sortir de là est bon à dire et j'espère que cet argument l'atteindra un peu plus que tout ce que nous avons pu dire jusqu'à maintenant. Parce qu'il a beau avoir de jolis yeux, s'ils ne sont pas plus expressifs je ne vais pas m'attarder.

    "We ?" (toi)

    Que je finis par prononcer en secouant la tête vers lui. Vraiment, quelle peine je me donne sans mes mains !


    Eiranos Mnyson
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    Sam 29 Avr - 22:35

    La révélation !avec Octans
    La réponse du jeune homme vint immédiatement. Eiranos ne comprit pas le premier mot mais celui de « Nakhti » se détachait clairement. Ainsi, Kurd avait raison : cet homme venait du désert, et sa présence loin des dunes le désignait comme un nomade. Sa peau était si claire, pourtant…

    Il aurait voulu poser des questions mais il n’osa pas : ces deux mots, à l’air anodin, semblaient avoir attristé Octans, jusqu’à lui arracher une larme. Une vague de compassion monta en Eiranos, et il se souvint qu’on lui avait appris que les nomades voyageaient toujours en groupe. Or, Octans était seul, semblait-il. Avait-il perdu son groupe, sa famille ? Avait-il choisi de se séparer d’eux, ou y avait-il été forcé, lui aussi ? Peut-être avait-il perdu autant que lui ?

    Un sourire, un rire, des regards, la douceur d’une main qui effleure la sienne, une présence qui le rendait plus fort et plus heureux que jamais…

    Sincèrement touché, Eiranos était en train de tirer une main hors des manches de sa robe pour esquisser un geste vers son compagnon de route, quand celui-ci reprit la parole. Nakhti, Naidien… Lui, à moitié Naidien ? Lui aussi ? Cela expliquait la pâleur de son teint…

    Et tout à coup, tout devint clair. Depuis qu’Eiranos était face à lui, il ne pouvait empêcher ses souvenirs du passé venir se superposer à ce qu’il avait devant les yeux. Cet Octans n’était pas à proprement parler le sosie de la personne de ses pensées, mais y en regardant de plus près, on pouvait trouver des ressemblances. Peut-être dans sa façon d’être à la fois sauvage, timide et curieux ; ou l’expressivité de son visage et de ses yeux sombres. Ce ne pouvait être un hasard, surtout avec ce rêve qui lui était revenu cette nuit, pour la première fois depuis des semaines, et qui apparaissait à présent comme une introduction, les trompettes qui précèdent l’arrivée du roi.

    Cette rencontre n’était pas anodine. Elle devait signifier quelque chose, restait à comprendre quoi. Ce ne pouvait être un danger, sinon le message aurait été plus clair, plus alarmant. Là, si Dieu avait utilisé les instants heureux de son passé pour l’avertir de l’importance du moment, ce ne pouvait être qu’un bon présage.

    Ignorant la question d’Octans, qu’il n’avait pas entendue, il s’approcha de lui et lui dit, accompagnant son ordre du geste correspondant :

    - Tourne-toi, je vais t’enlever ça.

    L’idée de le libérer ne l’avait même pas encore effleuré mais à présent, le laisser dans cette position inconfortable lui paraissait inenvisageable. Il ne représentait aucun risque, il en était absolument certain. Le vrai danger était de passer à côté de tout ce que cette rencontre pouvait lui apporter, et restreindre les capacités d'expression de son compagnon était le meilleur moyen d'y parvenir. Ils devaient se comprendre, saisir ce que chacun pouvait apporter à l'autre, et ainsi les plans que Dieu semblait avoir pour son nouveau prophète pourraient s'accomplir.


    Octans E. Haytham
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    Dim 30 Avr - 19:47

    Comment la tristesse peut-elle atteindre si facilement les cœurs même lorsqu'ils semblent aussi impénétrable que le sien ? Comment un seul mot a t-il le pouvoir de renverser toute une situation ? Il y a des choses que l'on ne peut ni comprendre ni expliquer et qui resteront des énigmes durant un temps plus ou moins long, voir à jamais. Et des comportements qui ne s'expliquent pas. Pourquoi d'un coup ? Pourquoi ce signe de me retourner ? Que va t-il me faire ? J'hésite cette fois à obéir, à me mettre dos à lui et à le laisser me faire quelque chose dont j'ignore la nature. Pourtant, lentement, mon corps pivote alors que mon cœur bat la chamade contre mes côtes, les frappe de toutes ses forces. Je ne prends pas immédiatement conscience des cordes qui se détendent contre ma peau. Des liens qu'il retire. Ma respiration est basse, rauque. Chacun de mes membres tremble d'une appréhension que je ne sais masquer alors que j'attends encore et encore qu'il me poignarde, m'égorge, ou abatte sur ma nuque une lame. La mort fait peut-être partie de la vie, mais je n'y étais pas préparé. Pas comme ça, ici et maintenant, loin de la terre où je suis né. Et alors que les larmes menacent de me monter aux yeux, je me rends enfin compte que mes mains sont retombées contre mes cuisses. Libres. Détachées de toute entrave. Comme si nous étions d'égal à égal.

    Je fronce les sourcils et redresse la tête que je m'empresse de tourner vers lui, l'incompréhension lovée sur chaque parcelle de mon visage. Avant de le laisser se peindre d'un air de gratitude. Je les ramène lentement contre mon torse, mes mains aux poignets marqués de traces rouges, tandis que mon corps bascule pour se remettre face au sien. Pourquoi d'un coup ? Qu'est-ce que mon origine peut bien lui évoquer ? De vieux fantômes qu'il tente de chasser ? Un ou des parents, comme moi ? Ou quelque chose de plus joyeux ? Peut-être des instants vécus là bas. Des moments de douceur, quelques heures de tendresse. Qu'en sais-je ? Il faudrait que je lui pose la question, alors je penche la tête, massant par réflexe les marques laissées sur ma peau désormais abîmée avant de tendre un doigt vers sa poitrine. J'ignore comment lui demander. Lorsqu'on n'a pas les mots, il est difficile de faire comprendre ce que l'on veut vraiment. Mes paupières clignent donc plusieurs fois d'affilée, puis mes lèvres s'ouvrent pour finalement laisser passer ce qui me taraude tant.

    "We. Naidien ?"

    Oui lui. Je veux en savoir plus sur lui. Comprendre. Savoir ce qui l'a poussé à délier mes mains. Qu'il me parle. M'approchant de lui, j'hésite un instant à me poser à ses côtés mais je décide qu'il sera finalement plus simple de rester en face de lui pour communiquer. Et puis maintenant que j'ai récupéré mes mains... Je m'en veux un peu de penser à ça maintenant. A la fuite qui se profile à l'horizon de mon esprit. Alors j'attrape la corde posée dans le chariot, tâchée de quelques gouttes de mon sang, tente de ne penser qu'à ça. Qu'à nous deux et à tout ce que je peux apprendre en lui parlant.

    "Dhani ?" (Pourquoi ?)

    Je lui tends la corde, les prunelles posées sur lui. Les sourcils froncés dans une attitude interrogatrice. Comment pourra t-il m'expliquer ce que je veux savoir ? Si je n'en sais rien, j'espère qu'il pourra trouver un moyen.


    Eiranos Mnyson
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    Lun 1 Mai - 14:42

    Partir sur de nouvelles bases avec Octans
    Octans sembla hésiter. Eiranos pouvait le comprendre : on ne tourne pas le dos à n’importe qui. Mais finalement, le jeune homme obtempéra. Son corps était tendu, ses épaules secouées de tremblements. Le moine aurait aimé pouvoir le rassurer mais il ne trouvait pas quoi dire. Les mots n’avaient sans doute aucune importance en cet instant, un ton doux et calme aurait pu suffire, mais Eiranos manquait encore un peu de compassion et d’imagination.

    Et puis, il avait d’autres choses auxquelles penser. D’abord, il ne voulait pas être vu par un membre de la caravane : ils n’approuveraient pas son geste. Heureusement, le conducteur de la charrette suivante somnolait, le menton sur la poitrine. Et puis, ces nœuds étaient sacrément serrés. Kurd avait raison quand il assurait que ce gars n’avait aucune chance de s’en libérer. Finalement, Eiranos n’eut pas le choix. Désireux de ne pas effrayer encore plus le jeune homme, le moine sortit sa dague tout doucement, sans faire résonner la lame contre le fourreau comme il aimait pourtant le faire, et s’en servit pour couper les liens. C’était la première fois qu’il se servait de l’arme achetée à l’armurière de Cairne et il dut reconnaître que le fil était parfaitement affûté. Un geste suffit à trancher l’épaisse corde de chanvre.

    Plusieurs secondes s’écoulèrent avant qu’Octans ne réalise qu’il était libre. Eiranos profita de cet instant de flottement pour ranger sa dague contre son bras. Il eut juste le temps de la dissimuler avant que le jeune homme ne tourne le visage vers lui. Les sourcils froncés et les larmes aux yeux, il semblait ne pas comprendre et ne pas savoir comment interpréter ce geste, hésiter à croire en cet imprévisible retournement de situation. Recroquevillé sur lui-même, comme prêt à encaisser un coup, se massant les poignets, la tête basse, il lui fallut encore un petit moment avant d’oser prendre la parole.

    - Naidien ?

    Dans n’importe quelle autre situation, la question aurait sans doute fait rire le moine. Lui, Naidien ? Ridicule. Il n’avait jamais rencontré d’Ivrian plus attaché que lui à son pays, à son identité, à sa force. Mais là, elle ne lui arracha qu’un sourire triste. Ç’aurait sans doute été plus simple, si c’était lui qui avait eu des racines naidiennes. Cela n’aurait rien signifié : ils auraient partagé quelque chose qu’aucun d’eux n’auraient choisi, la belle affaire. Mais ce sang naidien, il l’avait accepté, choisi. Embrassé. Il avait loué la teinte sombre qu’il donnait à ces yeux et le rouge qu’il mettait dans ces cheveux, béni la beauté singulière à laquelle il avait donné naissance en se mêlant au sang ivrian. Il l’avait aimé.

    Pour toute réponse, il ne put que secouer la tête. Sa gorge était trop sèche. Et une telle réponse méritait plus que des phrases simplettes et des singeries censées les traduire.

    Octans, de toute façon, semblait ne pas en demander plus. Il s’approcha de lui et lui montra le bout de corde qui venait de quitter ses poignets. Il posa sa question à voix haute mais l’expression de son visage suffisait à faire comprendre son interrogation.

    - Parce que je sais que tu n’es pas méchant, répondit Eiranos, en accompagnant ses mots de gestes et de mimiques (le montrer, faire une grimace effrayante, faire non du doigt). Et qu’entre nous (Il les désigna tous deux tour à tour), il y a… quelque chose. (Il agita les mains et haussa les épaules pour signifier qu’il ne savait pas trop quoi)

    L’avait-il senti, lui aussi ? Ou Eiranos venait-il juste de se ridiculiser ? C’était un risque à prendre. Au pire, il passerait pour un illuminé. Au mieux, il réussirait peut-être à en savoir plus sur les raisons pour lesquelles Dieu avait mis ce garçon sur son chemin. Ce serait forcément long et laborieux, vu leurs difficultés pour communiquer, mais avec l’aide du Seigneur, s’ils devaient s’entendre, ils y parviendraient.

    - Où vas-tu ? interrogea-t-il, traduisant toujours ses mots par des signes : lui, marcher, où ?

    Si tant est qu’il parvienne à convaincre Kurd de le laisser partir libre… Mais il le faudrait bien. Hors de question qu’Octans finisse aux mains de soldats.


    Octans E. Haytham
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    Lun 1 Mai - 15:34


    Cet effort qu'il fait pour se faire comprendre est déjà un pas immense en avant. J'ai l'impression d'être passé, en quelques secondes, d'un sauvage à un être civilisé. D'un inconnu, a un frère. Je pose mes yeux sur lui, et c'est comme si tout avait changé. Pourtant, rien n'a concrètement changé. Je suis toujours un nomade à l'heure qu'il est, et il voyage toujours avec ces hommes qui m'ont attaché ici. Seulement, il me faut reconnaître qu'il est différent des autres. Lui, c'est comme s'il avait été envoyé du ciel. Comme si c'était un signe. Comme s'il avait été placé là pour me libérer, m'aider dans cette difficulté. Pourquoi ? Pourquoi alors que nous sommes si différents ? Pourquoi alors qu'il ne me connaissait pas il y a seulement une heure ? Pourquoi alors que tout nous sépare ? New vêtements, la couleur de nos yeux, celle de nos peaux et de nos cheveux. Nous n'avons rien en commun. Et pourtant, il a choisi d'être mon allié. Et il tente de m'en expliquer la raison avec des gestes, des mots, et même si je ne comprends pas tout, je sais qu'il a raison. Que le hasard ne fait pas de si belles choses. Parce que le hasard jusqu'à maintenant il n'a fait que tuer ma mère, rendre malheureux mon père et me faire me retrouver tout seul. Le hasard et comme la vie, imprévisible. Je hoche la tête. Que puis-je faire d'autre alors que ses explications sont parfaitement intelligibles ? Qu'il fait enfin de véritables aux efforts pour communiquer avec moi ? Rien à part continuer notre discussion, si on peut l'appeler comme ça. Parce qu'aucun merci, aucun cadeau ne peut rendre grâce à ce geste qu'il a eu. Me rendre ma liberté c'est plus que tout ce que j'aurais pu espérer.

    "Sani yeshan'." (Je cherche des étoffes.)

    Et pour le lui faire comprendre, je tends vers lui un pan de cette étoffe qui recouvre habituellement mon visage afin de ne pas être brûlé par le soleil. Parfois ce sont des épices. Et d'autres années des céréales, où d'autres denrées dont ont besoin les marchands installés à Tadala.

    "We." Je pose mon doigt sur sa poitrine. "Nahi" Comme il l'a fait auparavant, mes doigts immitent deux jambes qui marchent. "aye Octans "

    Viendrait-il ? Prendrait-il le risque de courir les plaines, le désert à mes côtés ? Serait-il prêt à abandonner le convoi pour suivre un inconnu ? Il serait Nakhti, je n'en aurai aucun doute. Mais il ne l'est pas, et l'inconnu a tendance à faire peur. Il ne prendrait pourtant aucun risque. Parce que je veillerai sur lui, je le protégerai, et je lui apprendrai tout ce qu'il faut pour qu'il puisse se débrouiller. Je n'ai pas besoin de compagnon pourtant. La solitude me réussit, j'y suis habitué. Mais s'il est sur mon chemin, il y a forcément une raison et je veux découvrir laquelle. Comprendre pourquoi on l'a placé là. Et ce qu'est ce quelque chose qui circule entre nous et qu'il a tenté de m'expliquer. Dans mon monde, il n'ya rien d'anodin. Si je rêve de ma mère c'est qu'elle me manque. Si un inconnu accepte soudainement de m'aider c'est une perche que je dois saisir. Une main a attraper. Une solitude à briser, même pour quelques heures ou quelques jours. Alors je tends la main vers lui. Attendant qu'il l'a saisisse ou qu'il la repousse. Qu'il me donne la réponse à cette question que je lui ai posé. Partir ensemble. Ou chacun de notre côté.


    Eiranos Mnyson
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    Peut-être un nouveau départ…avec Octans
    La réponse d’Eiranos ne provoqua aucune surprise chez Octans : il devait saisir, lui aussi, ce lien étrange entre eux. Le comprenait-il mieux que lui ? Il n’en dit rien. Il se contenta de répondre à sa question, faisant comprendre que cela avait un rapport avec le tissu. Il devait aller en acheter, plutôt qu’en vendre, puisque son cheval ne semblait porter que quelques affaires, de quoi survivre au quotidien. Eiranos trouva un peu étrange, pour un de ces nomades qu’on disait barbares et sanguinaires, de faire du commerce, mais il préférait cela. Ce n’était peut-être même pas un nomade, après tout, mais un Nakhti des villes ! Et dans ce cas-là, ils ne risquaient rien ! Ce pourrait être ça, l’argument qui lui permettrait de le faire libérer. Mais il était encore un peu tôt pour s’en préoccuper. Ils ne feraient pas de halte avant encore plusieurs heures, le bouvier de la charrette suivante ne se réveillerait sans doute pas avant cela donc le fait qu’il ait coupé les liens d’Octans ne serait pas remarqué tout de suite. Autant en profiter.

    Il était sur le point de poser d’autres questions quand Octans s’approcha encore de lui et lui posa le doigt sur la poitrine : « Wé ». Donc « wé » égale « tu, toi ». Puis le reste de la phrase : « marcher avec Octans ». Quand il comprit qu’il s’agissait d’une question, Eiranos ne put cacher sa surprise. Eux, cheminer ensemble ? Un Nakhti et un Ivrian ? Un marchand et un moine ? Ils formeraient un drôle de compagnie.

    Objectivement, il aurait dû reconnaître que ce partenariat le desservirait : lui qui était obsédé par l’idée de se fondre dans la masse pour se faire accepter, il s’en sortirait certainement mieux seul qu’accompagné d’un étranger. Mais voyager en solitaire n’était pas toujours agréable, et il serait toujours possible pour eux de se séparer à l’approche des villages et des villes. En tout cas, c’était sans doute la justification qu’il aurait choisie s’il avait pensé à cette objection.

    En réalité, il ne prit même pas la peine de réfléchir à l’aspect pratique. On ne laisse pas filer ainsi un signe de Dieu, c’était aussi simple que ça. Ce que Dieu veut, Dieu y pourvoit : si leur destin était de cheminer ensemble, rien ne pourrait les en empêcher. Mais surtout, il voulait rester avec Octans. Le quitter, ce serait rejeter ses propres souvenirs qui semblaient voyager avec ce jeune étranger. Du moins, ça, c’était ce qu’il avait choisi de croire.

    - Je… commença Eiranos, la gorge serrée.

    Finalement, il se ravisa et changea d’idée. S’ils devaient passer du temps ensemble, autant prendre un peu de peine. Il posa sa main sur sa poitrine, avala sa salive et se lança :

    - Moi… na-i aïe Octans.

    Il n’avait aucune idée quant à la justesse grammaticale de sa phrase, mais il ne se posait même pas trop de questions sur ce sujet : la linguistique, ce n’était pas son domaine. De toute façon, à une terminaison près, sa phrase devait être à peu près compréhensible. Et à défaut, ses gestes l’étaient sans doute.

    S’entendre dire cette phrase, comme si elle rendait les choses définitives et irréversibles, le gonfla d’une nouvelle motivation. Pour la première fois, il avait l’impression d’avancer vers son destin, plutôt que de le fuir : fuir le monastère, fuir une mort qui aurait tout rendu plus simple et plus tragique encore, fuir Cairne… partir avec Octans. Le cercle infernal avait été brisé, il allait pouvoir reprendre les choses en mains. Cette fierté provoqua en lui une étonnante envie de rire. Il la laissa sortir, essayant simplement de contenir son volume : il ne voulait pas que toute la caravane soit au courant de son revirement d’humeur, et notamment pas que le marchand voisin se réveille de sa somnolence.

    - Mais où irons-nous ? interrogea-t-il entre deux éclats de rire.

    Quelques secondes plus tard, quand il eut réussi à contenir sa joie, il se rendit compte qu’il n’avait pas traduit son interrogation en signes. Il s’empressa de le faire, puis ajouta :

    - Et pourquoi moi ?


    Octans E. Haytham
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    Les secondes s'écoulent et pas une seule fois je ne détache mes yeux des siens, prêt à cueillir sur ses lèvres la réponse qui tarde à en sortir. A son premier mot et devant sa voix étranglée, mon cœur loupe un battement assez brutalement. Pour moi qui ignore sa langue et la signification de tout ce que sa bouche peut produire, ce mot sonne comme un refus. Mais si la déception vient briser ma poitrine, je n'en montre rien et tente de ne pas me renfrogner, me contentant d'un sourire poli. Qu'est-ce que j'imaginais après tout ? Qu'il déciderait de se lancer à l'aventure avec moi sur un coup de tête, sans même me connaître, parce qu'on pense tous les deux que cette rencontre n'est pas hasardeuse ? Et bien oui, parce que si j'avais été à sa place je l'aurais fait. Mais je n'y suis pas et je ne peux rien y ch... quoi ? J'écarquille les yeux alors qu'une réponse dans ma langue - quoique approximative mais parfaitement compréhensible - m'est enfin donnée. Une réponse positive. Alors je laisse s'échapper de ma gorge un rire plus léger tandis qu'un soulagement sans nom s'abat sur moi, oubliant un instant la discrétion dont je devrais faire preuve dans une telle situation. Parce que oui, je commence à oublier que je devrais, à l'heure qu'il est, toujours être attaché, puisque le colosse qui m'a saucissonné et balancé ici prévoit pour moi de bien funestes desseins.

    Aussi, je commence à me calmer quand Eiranos éclate de rire à son tour. Le voir s'ouvrir pour la première fois depuis le début de notre échange est tellement agréable que je sens mes joues rougir très légèrement d'un bonheur que je refuse de masquer. Il rit. Il rit devant moi, pour moi ou à cause de moi, je ne sais pas, mais il rit et c'est tout ce qui m'importe. Car c'est un son qui fait du bien. Dans son engouement, il oublie d'ailleurs de me traduire avec ses mains ce qu'il me dit avec ses lèvres, mais je ne lui en veux pas, le laissant se rattraper juste après en questions tout à fait légitimes. Où on va aller ? Je n'ai aucun doute là dessus. Mais pourquoi c'est tombé sur lui ? Il faudra demander au destin, parce que je n'ai comme réponse à lui offrir que celle-ci. Je lève donc le pouce pour lui indiquer notre première destination : "Talehe." Où je pourrais sans doute trouver des étoffes en tout genre prisées par les marchands que je dépanne. Je lève par la suite un second doigt. "Tadala." Où on portera nos trouvailles s'il accepte de me suivre jusque là. Puis au bout du monde s'il le veut parce qu'il y a forcément un million de choses à découvrir à Noren. J'attrape ensuite sa main, noue mes doigts aux siens comme si c'était naturel, avant de m'emparer de la corde toujours abandonnée près de nous pour lui faire comprendre. Lien, destin... Ça n'est pas si loin non ?

    Un nouveau sourire. Gâché par la pensée soudaine qu'il va falloir lui trouver un cheval. Et ici, ils ne courent pas les rues. Je jette malgré tout un regard autour de nous - on ne sait jamais - et une fois de plus le destin me sourit. Un cheval suit d'un pas tranquille le chariot de tête, celui où se trouve le géant, Kurd, que je lui indique d'un signe de menton discret.

    "We nahi Orias." Toi, qu'il commence à comprendre. Et ce "marcher" que je continue de faire avec mes doigts pour qu'il l'assimile. "'Ana" Je tapote mon torse. "nahi chefal."

    Oh que oui je compte bien le lui voler sous son nez son cheval. Parce qu'Orias ne nous portera jamais tous les deux en plus des tissus que je compte bien ramener à Tadala. Mais avant de me lancer dans la gueule du loup, je reprends sa main entre la mienne en ayant cure des convenances qui devraient m'en empêcher, penche la tête avec sur mes traits une interrogation évidente, le pouce de ma main libre se levant. Parce que s'il ne le sent pas, je vais avoir beaucoup de mal à me débrouiller seul.


    Eiranos Mnyson
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    Jeu 4 Mai - 21:58

    Vertigeavec Octans
    « Pourquoi moi ? » : c’était stupide, comme question. Il l’avait dit et remarqué lui-même : il y avait un lien entre eux, quelque chose d’incompréhensible et d’impalpable mais qu’Octans semblait avoir saisi lui aussi, alors pourquoi demander une fois de plus de mettre des mots sur ce qui ne pouvait qu’être ressenti ? Pour essayer d’avoir une explication, peut-être… Parce qu’il espérait que le Nakhti, lui, réussirait à mieux expliquer ce lien étrange qui était en train de se tisser entre eux – ou qui existait déjà mais qu’il voyait de mieux en mieux. Sans succès.

    Talehe puis Tadala. Rien de bien étonnant. Et de toute façon, Octans aurait pu annoncer à Eiranos qu’ils partaient pour au-delà la Barrière que le moine n’aurait pas réagi. La destination n’était que l’excuse pour faire le voyage – en sa compagnie. Un moyen de ressusciter ses souvenirs, de littéralement les réincarner. De retrouver son regard dans ces yeux, son sourire sur ces lèvres…

    Ses doigts s’étaient glissés délicatement entre les siens, profitant du muret qui les dissimulait aux yeux des autres. Sa peau était chaude et un peu sèche mais son geste était d’une douceur autant dictée par l’amour que par la timidité et la peur d’être rejeté.

    À l’instant où la main d’Octans effleura celle d’Eiranos, son cœur sembla s’arrêter et tout se télescopa. Tandis que le temps restait suspendu, le souvenir et la réalité se brouillèrent au point que, alors qu’il croyait se rappeler ce jour d’hiver où son premier amour avait cessé de se faire passer pour de la simple amitié, il recréait en réalité une scène mêlant passé et présent. Car la première fois où il l’avait saisie, la main d’Evelyn était glacée. C’était celle d’Octans qui était brûlante.

    La corde qui le liait… Le moine l’avait coupée pour libérer le corps du Nakhti mais il avait à présent l’impression d’avoir brisé la chaîne qui retenait une bête féroce. Elle avait fondu sur lui et le dévorait de l’intérieur. Ce n’était pas exactement ce qu’il avait vécu les mois précédents : c’était bien plus confus. Ce n’était pas une simple attraction, franche et sans ambiguïté. Elle était bien là, indéniable, mais elle était brouillée par une peur sourde. Et surtout, il y avait cette sensation – non, cette conscience – qu’il ne pourrait pas lui échapper. Cela donnait à cette profusion de sentiments une sorte de violence, une inexorabilité qui à la fois rassurante et terrifiante : rassurante car elle rendait toute lutte inutile, et terrifiante car elle rabaissait l’homme au rang de jouer aux mains du destin.

    Quelques clignements frénétiques des paupières, plusieurs inspirations profondes et Eiranos réussit enfin à reprendre pieds dans le réel. Juste à temps pour entendre Octans lui exposer ses intentions : lui, il « marcherait Orias » ? Ou « avec Orias ? Ou… Oh non, pas sur Orias ! Lui, à cheval ? Sur cet animal qu’il a vu se cabrer et frapper ? Il refusait cette idée si fermement que les mots restaient bloqués dans sa gorge. Il n’avait toujours pas réussi à les en extraire quand de nouveau, Octans retrouva sa main. Son esprit eut soudain envie de tout oublier pour se lover à l’intérieur de sa paume et ne sentir que cette autre peau, cette présence, mais il réussit à rester à sa place. Et pendant que chaque fibre de son corps (sauf cette foutue main, qui se complaisait dans une chaleur trompeuse) criait au danger, Octans lui demandait si ça allait ?!

    Eiranos laissa échapper un court rire incrédule.

    - Non, répondit-il en secouant la tête. Non, non, je… Je ne peux pas !

    Il se lança alors dans un pantomime paniqué, où il essayait de faire comprendre que s’il montait sur cette bête déchaînée, il finirait par terre.

    - Je peux juste marcher, termina-t-il, tremblant toujours à l’idée de se retrouver sur le dos d’un cheval. Na… Heu, Ana nahi. Ana juste nahi.


    Octans E. Haytham
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    Ven 5 Mai - 19:04


    Un vent de panique vient soudainement souffler sur Eiranos suite à ce plan dont je lui fait part. Il se ressent dans la tension au creux de ce rire. Dans ces mots qu'il laisse échapper à toute vitesse sans me laisser le temps d'en comprendre le sens avant de se rabattre sur ma langue pour mieux me faire passer le message. Dans ces tremblements qui courent sur son corps. Comment calmer un esprit angoissé ? Je le regarde sans savoir que faire, avant de serrer plus fort mes doigts autour des siens, baissant le regard, nez froncé et sourcils plissés. Si je ne l'avais pas fait, je n'aurais pas vu le bandage que sa bure légèrement remontée laisse entrevoir sur sa cheville quelque peu rougie. Une blessure. Il est blessé et pense pouvoir marcher ? Hors de question. De plus il nous ralentirait. Je secoue la tête et sans aucune douceur, m'empare de son pied que je décolle du bois de la charrette. Qu'il ne dise pas que ça n'est rien, je ne le croirais pas. Une blessure n'est jamais anodine et forcer dessus ne ferait qu'empirer les choses. Mon regard se durcit, je retire ma main de la sienne et tapote de l'index le tissu enrubanné autour de sa peau. Et si ce n'était que le hasard après tout ? Si cet homme que je pensais envoyé par le destin n'était là que par un pur coup de chance ? Si nos destins n'étaient pas mêlés ? Un instant j'en viens à douter. Après tout il est blessé, juste blessé. Si ça n'avait pas été le cas nous ne nous serions pas rencontrés.

    Pourtant je décide de croire en ma première hypothèse, parce que les doutes ne me mèneront à rien de bon. Je relâche donc son pied et le repose délicatement pour ne pas lui faire de mal, secouant la tête en m'approchant plus près de lui. Comment lui expliquer qu'il doit me faire confiance ? Nous faire confiance même, à moi bien sûr mais aussi à Orias qui ne le jettera jamais au sol et le portera au bout du monde si je le lui demande. Ne pas avoir les mots est en cet instant terriblement compliqué. Je le regarde sans savoir comment utiliser mes mains pour une notion abstraite comme celle-ci, avant de finalement lover mes paumes contre ses joues, mon front contre son front et mes yeux contre ses yeux. Brûler sa peau sous mon contact pour essayer de lui transmettre ce que j'ai besoin qu'il comprenne. Ce geste, je n'aurais pas pensé l'avoir avec un quasi inconnu. Mais aujourd'hui je n'hésite pas une seule seconde à me caler contre lui, espérant qu'ainsi il pourra saisir. S'emparer de mes propres émotions. Alors je murmure contre ses lèvres qui ne sont pas si loin, nos souffles se mêlant par la même occasion.

    "We nahi Orias."

    Si je vais chercher Orias moi même, il sera laissé derrière. Le confier à mon géant au poil d'or et aller voler la seconde bête de moi même, c'est aussi m'assurer qu'il est docile et non dangereux. Alors oui, il doit me faire confiance. Croire en moi et en lui, parce que je sais qu'il est capable de grimper sur ce cheval et de tenir dessus, que le tapis posé sur son dos et noué autour du poitrail par une lanière de cuir l'empêchera de glisser. Mais la confiance ça s'apprend et on n'a pas ce temps là devant nous. Sans plus un mot, je décale mon visage et l'enfouit dans son cou, l'attirant contre mon torse pour nous coller l'un à l'autre. Et alors qu'on pourrait-être à la vue de tous, il n'y a qu'un homme endormi qui ne se doute très certainement pas de ce qui se trame devant lui. Lui, il fait trop confiance aux autres, voilà où ça va le mener. A mon évasion, avec un des leurs sur les talons. Lorsque je m'écarte encore, c'est pour lever le pouce avec certitude. Ça ira. Il le fera. Même si ce n'est que dans une heure, deux, il y arrivera.


    Eiranos Mnyson
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    Lun 8 Mai - 16:59

    Le point de basculeavec Octans
    Les gesticulations et les balbutiements d’Eiranos n’apitoyèrent ni n’amusèrent Octans, au contraire. Une fois la surprise passée, son visage n’afficha qu’une colère décidée, et si sa main se resserra sur les doigts du moine, ce n’était pas par compassion. Il n’avait visiblement aucune envie de discuter. Et il trouva vite des arguments.

    Eiranos avait totalement oublié sa cheville. Tant qu’il ne marchait pas, elle ne lui faisait pas vraiment mal, pas assez pour qu’il ait pensé à elle depuis qu’il était monté sur cette charrette. Il devait cependant reconnaître qu’il ne pourrait pas « juste nahi » avec la jambe dans cet état. Il soupira, prêt à reconnaître son erreur et à essayer de trouver une autre solution, quand Octans changea d’attitude. Il redevint plus calme, plus doux… et même un peu trop ! Eiranos se tendit et se plaqua contre le rebord du chariot quand le Nakhti avança vers lui, mais il ne pouvait pas lui échapper. Des mains se posèrent sur ses joues, un front contre le sien, et les yeux noirs d’Octans se plongèrent dans les iris grises du moine.

    Eiranos se remit à trembler. Les paumes de son compagnon étaient brûlantes et pourtant, il se sentait glacé de l’intérieur. Il restait immobile, incapable de bouger. Il ne voulait pas qu’il s’approche, il ne le fallait pas sinon il le voudrait trop. Il était dans la délicate position du convalescent, sur le chemin de la guérison mais que le moindre miasme pouvait faire retomber dans les affres de la maladie. Dans ce lent retour à la solitude après quelques mois de partage et de douce complicité, une démonstration de tendresse, ou plutôt son interruption, risquait de le faire basculer à nouveau.

    Il aurait voulu supplier Octans de ne pas faire ça. De ne pas le renvoyer au fond de ce désespoir qu’il avait réussi, tant bien que mal, à abandonner dans les neiges d’Irsh’Allaï. Mais les mots restaient bloqués au fond de sa gorge. Les lèvres d’Octans à deux pouces des siennes – par Dieu, deux pouces seulement –, semblaient vouloir aspirer son âme, et lui renvoyer la leur. Quand il répéta cette simple phrase, « We nahi Orias », ces mots sonnèrent comme une incantation.

    À présent, Eiranos connaissait ces mots mais si ce n’était pas le cas, il n’aurait absolument pas pensé à ce sens. Il aurait supposé qu’il voulait dire quelque chose comme « Ça va aller », « Tout va bien se passer » ou encore « Fais-moi confiance. » En tout cas, quelque chose d’optimiste et de tendre, aussi tendre que ce geste, et aussi chaleureux que le contact de sa peau. Et Eiranos eut envie de se fier à lui.

    Alors qu’un sourire hésitant naissait sur son visage, Octans vint soudain se lover contre lui. Il pouvait sentir son souffle dans le creux de son cou, et il se demanda même si les battements de cœur qui frappait contre sa poitrine étaient bien les siens. Emporté par cet élan, Eiranos passa ses bras autour des épaules du Nakhti et le serra un peu contre lui. Ses cheveux lui grattaient la joue et leur odeur, un mélange complexe de parfum de fleurs, de relents de cheval et de senteurs moins identifiables, lui montait aux narines pour l’imprimer un peu plus dans sa mémoire.

    Cette fois, quand Octans s’éloigna de lui pour lui assurer que tout irait bien, il hocha la tête avec conviction.

    - Je vais parler à Kurd, dit-il en le mimant. Qu’il te laisse partir. Ou alors…

    Il jeta un coup d’œil tout autour de lui : le marchand voisin dormait toujours profondément, d’autres semblaient piquer du nez ou discutaient par petits groupes. En tout cas, personne ne prêtait attention à eux. Le terrain était découvert, ils pourraient facilement quitter la route et les semer. Cette idée lui aurait sans doute parut saugrenue quelques minutes plus tôt mais son côté théâtral semblait finalement plus adapté à l’ampleur irrationnelle de ce qu’ils étaient en train de vivre.

    - Ou alors, on s’échappe ? Maintenant ? chuchota-t-il.

    Ses gestes étaient un peu tremblants mais décidés. Sa décision prise, il valait mieux la mettre en œuvre le plus vite possible. S’il commençait à réfléchir, il risquait de se rendre compte que c’était une folie, complètement à l’opposé de la vie qu’il avait choisi de mener, faite de prêches et d’exemplarité. Trop tard : cette pensée l’avait effleurée. Mais il la repoussa vite et facilement, avant que le doute ne s’installe. Après tout, son sermon préféré ne parlait-il pas de l’impénétrabilité des desseins de Dieu et de la foi qu’il faut avoir dans les signes qu’Il envoie ? Et les actes valent mieux que de simples mots.


    Octans E. Haytham
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    Lun 8 Mai - 22:30


    Il y a une différence nette entre faire comprendre des phrases toutes simples à un étranger, et lui exposer un plan de façon suffisamment claire pour qu'il ne se passe pas d'imprévus trop importants. Parce que dans la situation actuelle, on risque - ou moi du moins - notre vie. Si Kurd nous attrape ce sera sûrement un retour à la case départ ou quelque chose de pire encore. Il me livrera aux mains des soldats dans la prochaine ville, et ce sera pire que mourir. Que feraient-ils d'un nomade qui erre sur leur territoire ? Préféreraient-ils me tuer de suite, me mettre aux fers ou me torturer ? Laquelle des rumeurs qui court le désert et les rues de Tadala serait la bonne ? Je n'en sais rien. Et à vrai dire, je ne laisserais pas Kurd me forcer à en savoir plus de ce côté là. Alors je me dois d'être compris par cet homme aux yeux gris si je ne veux pas finir brisé entre des doigts de soldats nous haïssant pour ce que nous ne sommes pas tous et qui ne me laisseront même pas une chance de m'exprimer comme a pu le faire Eiranos. Eiranos dont l'initiative de me détacher sauve ma vie et le force à en commencer une nouvelle. A mes côtés pour quelques pas. Le temps presse et j'en suis conscient. Alors je prends une inspiration profonde, attrape la corde qui nouait mes poignets et l'attache sans serrer autour des siens. Il faut qu'il comprenne vraiment ce qu'on va faire. Et puisque je n'ai que mes mains, cette corde et le monde qui nous entoure, je vais tâcher de me débrouiller.

    "We kanisa Orias." Je détache ces entraves improvisées. "Nahi aye Orias."

    J'opte pour un changement léger de programme. Oui, marcher avec lui et non sur. Car si je l'en sais capable, ce n'est pas son cas et je ne peux pas me permettre de le brusquer maintenant. Qu'ils aillent se cacher plus loin comme l'indique mon doigt tendu vers l'horizon. Qu'il l'emmène et se mette en sûreté en m'attendant. Je les retrouverai un peu plus tard je ne me fais aucun soucis. Juste le temps d'éloigner Kurd et ces hommes qui vont nous pourchasser lorsqu'il me verra avec son cheval. Sans plus attendre, je saute de la charrette et atterrit sans un bruit sur le sol. Je lui tends les mains pour l'aider s'il le souhaite à en descendre à son tour et veille à ce qu'il ne tombe pas à cause d'un mouvement non maîtrisé qui risquerait en plus de nous faire repérer. Promptement je nous décale sur le côté pour laisser passer la charrette qui arrive, la dernière. Elle passe et je ne bouge pas, un bras passé autour de sa taille comme pour le soutenir, avant d'attraper la corde qui retient Orias pour détacher le nœud. Il frémit. Et à peine libre, lâche un léger hennissement en venant frotter ses naseaux à mes cheveux. Je m'autorise un rire discret, parce que ce n'est pas cette partie qui m'effraie, non. Maintenant il faut que j'aille me balader sous le nez des marchands, à mes risques et périls, en tentant de ne pas me faire chopper.

    Je souffle. Un tremblement parcourt mes mains mais s'estompe aussi rapidement qu'il est arrivé. Je lui donne la corde, à Eiranos. Lui confie ce que j'ai de plus précieux, cet animal que mon père m'a appris à aimer. Puis je le pousse à l'épaule, doucement, dans un regard doux, quoique inquiet.

    "Nahi. Nahi.."

    Va t-en. Marche, marche jusqu'à ne plus nous voir. Marche jusqu'à être en sécurité alors qu'ici ça sera le chaos. Marche jusqu'à ce que tu sois sûr que tout ira bien, jusqu'à ce que tu sentes dans ton cœur que c'est le bon endroit, comme tu as senti qu'il fallait que tu me suives. Et parce que j'ai l'ai idiot à penser comme ça, je ne lui dis rien de plus. Je fais demi tour et j'avance. L'un après l'autre, je remonte les chariots. La somnolence des marchands joue en ma faveur, j'arrive bientôt à l'animal. Chefal. Ce mot que j'ai retenu me fait sourire et je passe une main contre la robe brune, les flancs puis l'épaule, atteint sa tête. Il est calme, ne me voit pas comme un ennemi et ne fait pas un bruit qui pourrait signaler ma présence. Mais à l'instant où je défais le nœud qui le retient, une voix dans mon dos retentit. Un signal d'alarme. L'un des hommes qui a émergé de ce sommeil dans lequel il plongeait. Il ne m'en faut pas plus pour réagir. J'attrape de la main gauche une touffe de ses crins noirs, saute sur son dos et talonne aussitôt les flancs. L'animal renâcle et part aussitôt au galop, les chariots s'arrêtent, les hommes se mettent aussitôt en travers de notre chemin. Alors on zigzague. On passe entre les corps, on les pousse. Kurd, au coin de mon œil, se précipite vers nous, mais je ne lui laisse pas le temps de nous rattraper. On fonce et on ne se préoccupe de rien. Rapidement, la silhouette d'un étalon doré se profile et je m'arrête à leur hauteur dans un léger soupir, glisse du dos pour atterrir sur le sol à nouveau.

    "Chefal !"

    J'indique le dos de Orias, me baisse, une main se posant sur l'autre, paumes vers le ciel, pour lui montrer qu'il va falloir monter maintenant. Parce que derrière nous, les cris continuent de s'élever et les hommes arrivent à toute vitesse.


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    Mer 10 Mai - 17:55

    C’est parti !avec Octans
    Octans sembla choisir la seconde option et s’attacha immédiatement à la mettre en œuvre. Enfin, au début, il attacha surtout Eiranos, grâce à la corde qui l’avait lui-même entravé peu avant. S’en servant de nouveau comme d’un accessoire, il fit comprendre à son compagnon qu’il devait aller détacher le cheval puis marcher avec lui. Cette fois, il avait bien dit « avec Orias », donc il devait avoir compris que la monte n’était pas une option. Certes, cela signifiait qu’il devrait utiliser sa cheville bandée mais c’était sans doute un moindre mal. Il faudrait cependant espérer qu’on leur laisse le temps d’aller se cacher dans ce bosquet qu’Octans indiquait du doigt. Ils pourraient y attendre que la caravane se soit éloignée. Kurd n’aurait pas craché sur la récompense qu’il pensait pouvoir obtenir en vendant le Nakhti mais il n’était sans doute pas assez avare pour leur donner la chasse quand il remarquerait la fuite de son prisonnier – et la trahison de son passager.

    Pas le temps de protester, ni même de réfléchir (et c’était peut-être mieux) : en une courte seconde, Octans fut à bas de la charrette. Eiranos, plus hésitant, passa son baluchon dans son dos, s’assit au bord de la cariole, prit les mains de son compagnon et se laissa glisser. Quand une moitié de son poids tomba sur sa cheville droite, un éclair de douleur irradia dans son pied et son mollet. Il étouffa un gémissement de douleur et aurait voulu prendre quelques secondes pour attendre que cet élancement se calme, mais Octans le tira en arrière pour l’écarter du chemin du chariot suivant. Le moine, déséquilibré, profita du bras passé autour de lui pour s’appuyer un peu sur le nomade. Malheureusement, ce bras le lâcha rapidement pour détacher le cheval. Leurs retrouvailles, bien qu’écourtées par l’urgence, furent touchantes, même aux yeux d’un homme n’ayant jamais eu d’affection particulière pour des animaux.

    À peine un rire et quelques caresses plus tard, Octans se retourna pour fourrer dans les mains d’Eiranos la longe du cheval. Le moine la regarda, interdit et immobile, si bien que le Nakhti dut le pousser par l’épaule pour qu’il comprenne ce qu’il attendait de lui. « Marcher. Marcher. »

    - Tout seul ? souffla Eiranos. Mais toi, tu…

    Mais son compagnon était déjà parti, remontant la ligne de chariots comme si de rien n’était, et surtout comme s’il ne risquait pas de se faire tomber dessus si jamais on le remarquait. C’était peu probable, comprit vite Eiranos : les marchands étaient habitués à cette route, elle était tranquille et sûre, aucune raison donc de garder le nez en l’air. Et même s’ils apercevaient, du coin de l’œil, une silhouette qui marchait près d’eux, ils n’avaient aucune raison de penser que ce pouvait être un prisonnier en fuite, Kurd n’ayant apparemment pas ébruité cette capture.

    Passablement rassuré, Eiranos pivota sur sa cheville indemne. Il ne savait pas ce qu’Octans allait faire mais il ne l’abandonnerait pas, pas en lui abandonnant son animal et toutes ses possessions.

    - Tu as entendu ton maître ? Marchons, soupira-t-il.

    En fait de marcher, il claudiqua, plutôt, pour franchir le petit fossé qui bordait la route puis traverser le champ qui le séparait du bosquet qu’Octans avait indiqué. En fait de bosquet, ce n’était finalement que trois arbres qui avaient poussé à quelques pieds les uns des autres et entouré de quelques arbustes. Cette cachette ne résisterait pas à une recherche digne de ce nom mais il pourrait les dissimuler aux regards pas trop attentifs.

    Du moins, s’ils réussissaient à l’atteindre… Car Eiranos en était encore à plusieurs toises quand il entendit du remue-ménage derrière lui. Il se retourna, alarmé : ils étaient déjà repérés ? Et oui… Octans fonçait veux eux, talonnant le propre cheval de Kurd. Il mit pied à terre près de lui puis lui fit comprendre la suite du programme : monter sur Orias. Eiranos, sentant de nouveau la panique monter en lui, regarda ces mains voulant lui faire la courte échelle, puis le branle-bas-de-combat derrière Octans, et de nouveau les mains. Deux options pas bien réjouissantes, et pas le temps de réfléchir. Sans même y penser, il posa une main sur le garrot de l’animal, l’autre sur l’épaule d’Octans, son pied gauche dans ses mains (sourd, cette fois, aux protestations de son autre cheville), et la seconde d’après, il était à califourchon sur le dos de la bête. Sa robe de bure, bien peu pratique pour ce genre d’activité, était remontée au-dessus de ses genoux, exposant ses mollets maigrelets. Il sentait, sous sa peau, le tissu rugueux qui tenait lieu de selle. Pas aussi rassurant qu’une vraie selle ivriane mais plus adhérent que le poil lustré du cheval, se dit-il pour calmer son cœur affolé.

    Il n’était jamais monté mais avait vu d’autres se prêter à cet exercice, aussi savait-il à peu près comment s’y prendre : il chercha du regard les étriers mais comprit vite qu’il n’y en avait aucun, puis se saisit des rênes. Tirer à gauche pour aller à gauche, à droite pour aller à droite, en arrière pour ralentir, taper des talons pour accélérer. Son grand frère avait essayé de le lui expliquer, peu de temps avant qu’il ne parte faire son noviciat, mais il n’y avait prêté qu’une oreille distraite, sachant parfaitement que l’exercice ne lui serait ni plaisant ni utile. Ou du moins, le croyant. Derrière lui, les cris des marchands furieux devenaient de plus en plus sonores, signes que même à pieds, ils se rapprochaient à bonne vitesse.

    Il ne sut pas trop s’il avait vraiment dirigé son cheval ou si Orias avait de lui-même senti le danger. Quoi qu’il en soit, il sentit sous lui la bête tendre ses muscles puissants, se ramasser et partir au galop. La première secousse ne le désarçonna pas : première victoire. À son exclamation de peur et de surprise mêlées succéda bientôt un éclat de rire, encore un. Resserrant tout de même ses cuisses sur les flancs de sa monture, il se tourna vers Octans, les yeux brillants et le doigt tendu devant lui.

    - Talehe : par là-bas, lança-t-il bien fort pour couvrir le bruit des sabots qui frappaient le sol.

    En tout cas, ce devait être à peu près par là. Et de toute façon, le prochain objectif était de semer définitivement leurs poursuivants. Ils pourraient toujours ajuster leur direction après.


    Octans E. Haytham
    Octans E. Haytham
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    Jeu 11 Mai - 11:18


    Eiranos hésite. Une seconde, peut-être deux, mais pas plus. Il prend rapidement sa décision, et heureusement car les vociférations des hommes plus que mécontents se rapprochent à grand train. Son pied se pose au creux de mes mains. Il enfourche l'étalon qui reste en place, tranquille, même si sa tête haut levée et ses oreilles pointées vers l'avant prouvent qu'il est prêt à prendre la fuite au premier signal de son cavalier. Eiranos n'aura pas vraiment besoin de le lui donner. Remontant sur la bête volée, une pression de talons suffit à la faire repartir dans un galop confortable, pas trop rapide puisque notre situation ne le nécessite plus. Et à ce simple mouvement de ma part, Orias comprend qu'il peut partir aussi. A ma grande satisfaction, mon compagnon de fortune ne se laisse pas désarçonner, riant, pris d'une folie que je ne peux que comprendre. J'écoute ce son qui franchit sa gorge avec attention, m'en gorgeant comme si demain, il risquait de disparaître. Mon sourire y répond. Depuis combien de temps n'ais-je pas chevauché aux côtés d'une autre personne ? Ça fait si longtemps que j'en ai oublié ce goût. Ce bonheur que l'on ressent lorsqu'on a le droit de partager quelque chose qui nous est cher, qui étreint la poitrine dans un frisson de joie. De plus, Eiranos est surprenant. Alors qu'il semblait fermement opposé à l'idée de monter à cheval, le voilà qui prend le risque de ne s'accrocher que d'une main pour me montrer une direction, s'aidant de quelques mots que je saisis très  bien.

    Nous sommes dans la bonne direction.

    Je hoche vigoureusement la tête, pressant davantage mes pieds sur les flancs de ma monture qui allonge son galop et prend la tête, la malice brillant dans mon regard. Je me sens libre. De façon encore différente que je l'étais la veille ou l'avant veille. Oui, aujourd'hui je suis libre et elle a drôlement bon goût ma liberté. Alors je mords dedans à pleine dents. J'en profite et ça fait du bien. Et je me revois un instant, tout gosse et déjà au galop aux côtés de mon père dans un désert aux couleurs époustouflantes. Sous une chaleur que je regrette à chaque fois que je m'aventure dans d'autres territoires. En manque du pays, de cette terre où je suis né. Mais dans l'instant, ce manque a disparu, remplacé par ce sentiment d'euphorie auquel je laisse libre court. Je m'entends rire plusieurs fois moi aussi. Le cheval brun sous mes jambes sent ma joie, donne quelques coups de cul pour y répondre, exécute quelques cabrioles qui me secouent un peu mais que mon équilibre parvient à gérer sans grandes difficultés. Et je sais qu'Orias ferait la même chose s'il n'avait pas senti les hésitations de son cavalier.

    Finalement, jugeant que nous sommes assez éloignés de Kurd et de ses comparses, je repasse au trot, puis au pas pour ne pas risquer de faire tomber Eiranos. Ma main vient caresser l'encolure du cheval qui, déjà, tend le nez pour attraper quelques brins d'herbe à proximité. Je ne peux pas lui en vouloir. Mon propre estomac commence à réclamer, et je prie une seconde pour que l'on ne m'ait pas vidé les sacoches accrochées à Orias. Je pose une main sur mon estomac, jetant un regard plein de sourires à l'homme à mes côtés pour lui faire comprendre que j'ai faim. Il faut dire que toutes ces aventures creusent bien ! Je repère donc un petit bosquet vers lequel je me dirige, mettant pied à terre près d'un arbre auquel j'attache ma monture. Il faudra lui trouver un tapis pour que le religieux puisse monter dessus et un nom aussi, pour qu'ils puissent s'apprivoiser peu à peu. Car la confiance a besoin de ça pour s'instaurer, non ? Cette pensée m'arrache un sourire de plus. Je fais signe à Eiranos de tourner sur le tapis pour que ses deux jambes pendent du même côté, puis l'attrape par les hanches pour le faire glisser au sol. Notre proximité ne me dérange pas, même si mes joues se teintent d'un rouge qui disparaît une fois que je l'ai reposé au sol. Car tant que sa cheville est douloureuse, je continuerai de me coller à lui comme ça afin de l'aider.

    Je vais ensuite fouiller les sacoches, en sors une gourde pleine et quelques fruits que je lui tends. Mes réserves vont s'amenuiser rapidement avec un cavalier en plus. Il faudra que je pense à refaire le plein à Talehe.


    Eiranos Mnyson
    Eiranos Mnyson
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    L'éclosionavec Octans
    Eiranos avait l’impression que le vent qui sifflait à ses oreilles et le bruit des sabots qui frappaient le sol le rendaient presque sourd, et pourtant il entendit distinctement le rire d’Octans, tandis qu’il le dépassait. Son cheval y réagit, rua comme pour se libérer de ce cavalier trop bruyant ou trop démonstratif, mais le nomade tint bon. Pendant une seconde, Eiranos eut peur qu’Orias ne veuille imiter son camarade, il eut l’impression que ses mouvements perdaient un peu de leur régularité. Par chance, sa monture resta sage mais il préféra resserrer un peu ses cuisses et tenir les rênes un peu plus courtes.

    De longues minutes plus tard, alors que l’arrière-train d’Eiranos commençait à s’engourdir, Octans ralentit enfin. En quelques foulées, il arrêta sa monture et celle-ci se mit à brouter comme s’il ne s’était rien passé. Elle ne devait même pas s’être rendu compte qu’elle avait été enlevée et que le corps sur son dos n’était pas celui de son ancien maître. Enfin si, tout de même : Octans devait peser ben quarante livres de moins que Kurd.

    Orias ralentit en douceur puis s’arrêta avant même qu’Eiranos ait eu à tirer sur les rênes. Le moine hésitait quant à la meilleure manière de descendre de là. Il leva un regard interrogateur vers le Nakhti et saisit alors son geste : il avait faim. Il alla accrocher son cheval à un arbre, Orias le suivit, toujours aussi docile. Mais ça ne faisait que reculer le moment fatidique où il lui faudrait mettre pied à terre – et de préférence, uniquement les pieds. Heureusement, Octans dut sentir sa détresse car il vint à sa rescousse : il lui expliqua qu’il fallait s’asseoir perpendiculairement au dos de la bête, puis se laisser glisser. Eiranos posa les mains sur les épaules de son compagnon, lui sur ses hanches, pour amortir son atterrissage. Ils rougirent tous deux de cette proximité mais ne l’abrégèrent pas pour autant. Ce n’était qu’un soutien à un blessé (et à un novice en équitation, mais Eiranos n’aimait pas penser à lui comme à un novice en quoi que ce soit), pas de quoi être gêné, franchement.

    Une fois le moine solidement planté sur ses jambes, du moins aussi solidement que possible, Octans s’éloigna de lui pour aller extraire leur déjeuner de ses fontes. De l’eau et des fruits : c’était frugal mais prévisible. Eiranos n’avait malheureusement pas grand-chose à lui offrir en retour, s’étant vu fournir sa nourriture par les marchands. Il vérifia dans son baluchon mais il ne lui restait même plus de ces biscuits secs que lui avaient offert une fidèle à Cairne. Il n’était plus là en tant qu’invité de marque mais en tant que compagnon de route, d’égal à égal avec le Nakhti. Il ne pourrait plus se contenter de se faire entretenir ainsi, il devrait s’acquitter d’une sorte de compensation, d’une façon ou d’une autre. Mais comment ? En tout cas, en pleine nature, il ne pouvait être d’aucune aide. Surtout avec une cheville en vrac. Il prit donc l'en-cas que lui proposait Octans et le remercia très sincèrement, puis s'assit pour le manger du bout des dents, la gorge serrée.

    Il réalisa soudain la précarité de la situation dans laquelle il se trouvait : il était à la merci d’un étranger. Un étranger au regard doux et porteur de souvenirs tendres, mais un étranger tout de même, dans tous les sens du terme. Il n’avait rien qui vaille la peine qu’on le dévalisât, et n’avait jamais fait de tort à qui que ce soit, il était donc peu probable qu’on en veuille à sa vie ; cependant, si Octans se décidait, pour une raison ou une autre, à l’abandonner sur place, il n’était pas sûr qu’il réussirait à retrouver la civilisation. (En réalité, l’habitat de la vallée était bien moins disséminé qu’il n’en avait l’impression, il aurait facilement trouvé un sentier et à partir de là, un hameau, mais pour lui qui ne connaissait que Hinide, Muvaï et vaguement Cairne, cette province paraissait déserte et dépeuplée.)

    Mais pourquoi Octans l’abandonnerait-il ? Il aurait pu sauter du charriot, aller chercher son cheval et le planter sur place. Il avait choisi de l’emmener, ce n’était sans doute pas pour le laisser tomber à la première occasion. Il y avait ce lien entre eux, toujours cette histoire de connexion. Eiranos se sentait stupide à y revenir encore et encore, mais plus il y pensait, plus il y croyait. Plus il voulait y croire. Parce que certes, il avait un projet avant cette rencontre mystérieuse, mais finalement, sa motivation avait été de courte durée. Trop d’abnégation, ce n’était pas vraiment son genre. Ou ça ne l’était plus. Cette rencontre était ce qu’il fallait pour terminer sa métamorphose, réalisa-t-il, les larmes aux yeux. Pour passer de ce qu'on voulait qu'il soit, un moine, à ce qu'il voulait et méritait d'être.

    - Merci, souffla-t-il de nouveau, sans raison apparente. Merci.


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