C'est con d'apeller ça un puits de lumière quand il fait nuit. Merci Seena pour cette pensée philosophique d'une rare profondeur. Cela faisait une demi-heure qu'elle patientait dans le hall, appuyée contre l'un des murs. Le soleil n'était pas encore totalement disparu, mais la luminosité déclinait à vue d’œil. Contrairement à ses habitudes, l'ethnologue se montrait "patiente". Avec des gros guillemets. Elle attendait sans râler mais s'agitait, faisant tantôt les cent pas, tantôt faisant mine de jouer sur son SNOTRA en panne. C'était bien sa veine. La liste pour réparer les bracelets était interminable. Elle n'avait pas le temps de faire la queue comme tout le monde. Maav ne l'avait pas compris et lui avait refusé son aide mais Seena ne comptait pas s'avouer vaincue si vite.
Le matin même, après avoir constaté la panne, crisé pendant une heure, saoulé sa sœur, la scientifique avait épluché la liste des techniciens / mécaniciens du vaisseau jusqu'à trouver le nom parfait : le nom qui ne lui disait absolument rien. Il lui fallait quelqu'un de passe partout, pas une grande gueule au service des deux tyrans. Abriel Blayde. Jamais entendu parlé. Génial. Sa photo, en revanche, taquina sa mémoire. Peut être l'avait-elle déjà vu bricoler avec Alisha ou discuter avec Maav... C'était sans importance. Ce gars ne la ramenait pas en publique et ne fricotait pas avec le pouvoir. C'était donc le candidat idéal. Avec un peu de chance, il n'était pas trop stupide et incapable. Elle découvrirait ça sur le tas.
Se voyant mal toquer à sa cabine le soir venu (on ne savait jamais ce que les gens faisaient à cette heure-ci), elle jugea plus poli de l'attendre au croisement des couloirs. Le puits de lumière était un passage presque obligé à tous les terrans dormant dans le vaisseau. A cette heure-ci, certains quittaient leur cabine pour rejoindre la cafétéria et d'autres allaient dormir. Statistiquement, c'était le meilleur moment pour attendre l'inconnu. Mais l'attente commençait à être longue...
Finalement, un homme correspondant à la photo du registre apparut. Il était seul. Parfait. Sans plus attendre, la jeune femme s'avança d'un pas rapide et s'immobilisa devant lui pour lui bloquer le passage. Seena fut ravie de voir qu'il était "petit" (à comprendre, à peine dix centimètres de plus qu'elle) et pas si impressionnant.
«Salut. Abriel ? Seena. J'ai besoin de toi. Mais pas ici. »
Elle lui tendit la main et lui adressa un grand sourire après avoir balancé ses mots d'une façon rapide et hachée. L'ethnologue avait le don de faire une bonne première impression. D'un mouvement de tête, elle indiqua un couloir menant à la serre et aux autres pièces de recherches. Personne ne le fréquentait à une heure pareille.
«Tu viens ? »

