Octans et Eiranos arrivent d'ici !
Malgré l’apparition du pêcheur à pied, le chemin jusqu’à Talehe fut une transition appréciée entre la quiétude du bassin et l’agitation de la ville. Le rire d’Octans, tout autant que les bruits de pas des chevaux, rythma la dernière partie du voyage, berçant Eiranos jusqu’à le faire tomber dans un état contemplatif, presque en hypnose. L’atmosphère autour d’eux était totalement différente des jours précédents, et même de quelques heures auparavant. La proximité de leur but jouait sans doute, ainsi que le fait qu’il se sente de plus en plus à l’aise sur le dos de Marchevent, ce qui ne pouvait que l’aider à se détendre ; et surtout, un mur semblait être tombé entre eux, un mur de non-dits et d’ambiguïtés. Ça sonnait bien, comme image, trouva le moine : cette idée de frontière, de séparation solide, d’isolement… Puis il se rendit compte que c’était peut-être pas tout à fait adapté. C’était sous-entendre qu’ils étaient deux à avoir construit ce mur, alors qu’il en avait sans doute été le principal – si ce n’était le seul – instigateur, à coups de désirs et de questionnements torturés. À présent qu’ils savaient ses désirs partagés et que les questionnements avaient trouvé leurs réponses, le mur s’était déconstruit pierre à pierre et ils chevauchaient enfin réellement côte à côte.
Il rit à son tour, par petits éclats courts et incertains, ne sachant trop s’il devait surtout se réjouir ou s’émouvoir de cette évolution. Il se posait encore la question quand il réalisa qu’ils arrivaient en ville, et il n’eut pas à se forcer pour ravaler son rire. Retour à la civilisation, ou à ce qui s’en approchait le plus. Eiranos n’était bien sûr jamais venu au royaume Naidii et il n’avait jamais croisé de Naidien – Evelyn avait certes des origines méridionales mais il en faisait peu cas. Il en avait donc l’idée largement répandue parmi les Ivrians, et que les moines de Muvaï, peu portés sur la tolérance, n’avaient jamais cherché à démentir : celle d’un peuple d’oisifs qui préféraient lézarder au soleil en attendant que les poissons sautent seuls dans leurs filets plutôt que travailler activement. Il s’attendait à une architecture simpliste ou négligée, sur le modèle de Cairne – il faut dire aussi que ses seuls points de comparaison possibles étaient Hinide (dont il n’avait qu’un vague souvenir, et il était impensable qu’une autre cité ait la prestance de la capitale), Muvaï (mais qui n’était finalement pas une vraie ville et qui s’était bâtie en fonction de son climat particulier) et ce repaire de voleurs, donc le choix était vite fait.
Il fut donc agréablement surpris de trouver une ville propre sur elle ; encombrée, certes, mais pas foncièrement repoussant. Ignorant tout de la situation politique du royaume, il mit cette surpopulation sur la fainéantise des locaux, qui s’entassaient pour ne pas avoir à construire des logements supplémentaires. Eiranos formulait ces hypothèses sans porter le moindre jugement : pour lui, les hommes étaient comme ils étaient ; les Naidiens étaient paresseux, on ne les changerait pas. À eux et à ceux qui les côtoyaient de s’en accommoder. Il était prêt à faire preuve de tolérance, dans certaines limites. Il voulait bien se conformer aux usages et façons de faire locaux mais pas sacrifier trop de confort. Surtout après huit jours sur les routes.
Heureusement, l’auberge sur laquelle Octans jeta son dévolu avait l’air acceptable. Il ne faudrait sans doute pas trop attendre du matelas qu’on lui offrira mais ça ferait l’affaire.
- C’est très bien, répondit le moine à l’interrogation muette de son compagnon.
À son tour, il mit pied à terre et entra dans la cour attenante à l’estaminet pour y laisser sa monture. N’ayant pas la moindre idée de comment on s’occupait d’un cheval et n’ayant aucun intérêt pour ça, il se contenta de mettre pied à terre et de tendre les rênes au premier garçon d’écurie venu puis attendit Octans avant de pénétrer dans l’établissement.
L’intérieur était malheureusement un cran en-dessous de ce qu’il espérait. Un peu plus sombre, un peu plus sale, un peu plus bruyant – même s’il eut l’impression que, pendant un instant, leur entrée transforma certaines conversations enjouées en chuchotements curieux. Brièvement, l’envie de ressortir pour chercher quelque chose de plus convenable se leva en lui mais elle fut vite chassée par la fatigue de ces derniers jours de trajet, qui refaisait surface. Se contentant d’une moue et d’un soupir de déception, il se dirigea vers une petite table inoccupée, dans un coin sombre.
Il rit à son tour, par petits éclats courts et incertains, ne sachant trop s’il devait surtout se réjouir ou s’émouvoir de cette évolution. Il se posait encore la question quand il réalisa qu’ils arrivaient en ville, et il n’eut pas à se forcer pour ravaler son rire. Retour à la civilisation, ou à ce qui s’en approchait le plus. Eiranos n’était bien sûr jamais venu au royaume Naidii et il n’avait jamais croisé de Naidien – Evelyn avait certes des origines méridionales mais il en faisait peu cas. Il en avait donc l’idée largement répandue parmi les Ivrians, et que les moines de Muvaï, peu portés sur la tolérance, n’avaient jamais cherché à démentir : celle d’un peuple d’oisifs qui préféraient lézarder au soleil en attendant que les poissons sautent seuls dans leurs filets plutôt que travailler activement. Il s’attendait à une architecture simpliste ou négligée, sur le modèle de Cairne – il faut dire aussi que ses seuls points de comparaison possibles étaient Hinide (dont il n’avait qu’un vague souvenir, et il était impensable qu’une autre cité ait la prestance de la capitale), Muvaï (mais qui n’était finalement pas une vraie ville et qui s’était bâtie en fonction de son climat particulier) et ce repaire de voleurs, donc le choix était vite fait.
Il fut donc agréablement surpris de trouver une ville propre sur elle ; encombrée, certes, mais pas foncièrement repoussant. Ignorant tout de la situation politique du royaume, il mit cette surpopulation sur la fainéantise des locaux, qui s’entassaient pour ne pas avoir à construire des logements supplémentaires. Eiranos formulait ces hypothèses sans porter le moindre jugement : pour lui, les hommes étaient comme ils étaient ; les Naidiens étaient paresseux, on ne les changerait pas. À eux et à ceux qui les côtoyaient de s’en accommoder. Il était prêt à faire preuve de tolérance, dans certaines limites. Il voulait bien se conformer aux usages et façons de faire locaux mais pas sacrifier trop de confort. Surtout après huit jours sur les routes.
Heureusement, l’auberge sur laquelle Octans jeta son dévolu avait l’air acceptable. Il ne faudrait sans doute pas trop attendre du matelas qu’on lui offrira mais ça ferait l’affaire.
- C’est très bien, répondit le moine à l’interrogation muette de son compagnon.
À son tour, il mit pied à terre et entra dans la cour attenante à l’estaminet pour y laisser sa monture. N’ayant pas la moindre idée de comment on s’occupait d’un cheval et n’ayant aucun intérêt pour ça, il se contenta de mettre pied à terre et de tendre les rênes au premier garçon d’écurie venu puis attendit Octans avant de pénétrer dans l’établissement.
L’intérieur était malheureusement un cran en-dessous de ce qu’il espérait. Un peu plus sombre, un peu plus sale, un peu plus bruyant – même s’il eut l’impression que, pendant un instant, leur entrée transforma certaines conversations enjouées en chuchotements curieux. Brièvement, l’envie de ressortir pour chercher quelque chose de plus convenable se leva en lui mais elle fut vite chassée par la fatigue de ces derniers jours de trajet, qui refaisait surface. Se contentant d’une moue et d’un soupir de déception, il se dirigea vers une petite table inoccupée, dans un coin sombre.